Un travailleur du ministère des Transports (MTQ) âgé de 44 ans a perdu la vie la nuit dernière après avoir été happé par un véhicule sur l'autoroute 20 à Dorval. Le conducteur à l'origine de l'accident était en état d'ébriété.

Un homme de 38 ans circulait dans une camionnette dans la voie de gauche vers 23 h 30 lorsqu'il a bifurqué sans raison apparente vers la voie du centre. Il a alors percuté un véhicule utilitaire sport (VUS), conduit par une dame dans la quarantaine. Celle-ci a perdu le contrôle de sa voiture et a foncé sur un chantier routier dans la voie de droite, fermée à la circulation et isolée par un cortège de protection. Le MTQ y effectuait des réparations à une glissière de sécurité en bordure de la route.

L'accident a coûté la vie à un travailleur, et cinq autres ont été transportés par les services ambulanciers pour des blessures graves. On ne craindrait pas pour leur vie. Deux autres travailleurs ont été traités pour un choc nerveux. La conductrice du VUS a également été transportée à l'hôpital.

Le conducteur de la camionnette a été arrêté sur les lieux pour conduite avec les capacités affaiblies causant la mort. Il a par la suite échoué à un alcootest, alors qu'il présentait un taux d'alcoolémie dépassant deux fois la limite permise. Il comparaîtra aujourd'hui.

La Presse a pu s'entretenir avec le fils d'un ouvrier blessé dans l'accident. Selon lui, les mesures de sécurité avaient été adéquatement installées sur le chantier. Son père, impliqué pour la première fois dans un accident du genre, s'en est tiré avec une jambe cassée et devrait obtenir son congé de l'hôpital aujourd'hui. «Ça s'est passé très vite, a-t-il raconté. Ils n'ont pas eu le temps de réagir, le véhicule fonçait sur eux.»

Sécurité en jeu

Président du Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ), qui représente les employés du MTQ, Christian Daigle confirme que d'après les témoignages qu'il a entendus, les mesures de sécurité sur le chantier étaient conformes. Quelques éléments suscitent néanmoins des interrogations pour lui, notamment le fait que le camion-impact (véhicule qui protège le chantier) provenait d'une entreprise privée et non du Ministère. Il se demande aussi s'il n'aurait pas été préférable de fermer deux voies à la circulation.

«On va poser des questions au MTQ, c'est certain», dit-il.

M. Daigle se navre toutefois de l'attitude de Québec dans les accidents du genre. Pendant les négociations de 2015-2016, une demande avait été adressée afin que les drapeaux soient mis en berne quand un travailleur de chantier routier perd la vie, comme c'est le cas pour les policiers qui meurent en fonction. Le MTQ aurait toutefois refusé d'enchâsser cette demande dans ses conventions collectives. «C'est comme si la vie des travailleurs avait moins de valeur», déplore M. Daigle.

Par voie de communiqué, le ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports s'est dit « consterné par le décès d'un collègue » et « réitère que les travailleurs sur les chantiers sont vulnérables et qu'il est essentiel que les usagers de la route fassent preuve d'une vigilance accrue aux abords des chantiers routiers ».

« L'adoption d'un comportement responsable et sécuritaire et le respect des consignes en place sont de mise dans les zones de chantiers routiers », a écrit le Ministère, qui en plus d'offrir ses condoléances à la famille du travailleur décédé, a ajouté qu'il ne ferait pas d'autres commentaires aujourd'hui vu l'enquête en cours de la Sûreté du Québec.

Des craintes constantes

Selon Jean-François Dionne, président de l'Association des travailleurs en signalisation routière du Québec (ATSRQ), travailler sur un chantier routier entraîne des craintes constantes sur le plan de la sécurité. « Tous les jours, les travailleurs se font frôler par des voitures qui passent à grande vitesse », déplore-t-il en entrevue. 

«Des miroirs arrachés, on en voit constamment», abonde Christian Daigle, du SFPQ.

Depuis 2011, et en incluant l'accident d'hier soir, l'ATSRQ a recensé 27 accidents impliquant des véhicules sur des chantiers routiers, avec des conséquences allant de dommages matériels jusqu'à la mort d'un travailleur, comme c'est arrivé la nuit dernière. À noter, toutefois, aucun membre de l'Association n'était sur le chantier de l'autoroute 20.

Néanmoins, les signaleurs routiers militent depuis des années pour un resserrement des règles de sécurité autour des chantiers. Hier soir, M. Dionne précise qu'il aurait été préférable de fermer complètement l'autoroute et de dévier la circulation sur la voie de desserte, sinon de fermer deux voies au lieu d'une sur l'A20

Par ailleurs, l'ATSRQ attend impatiemment l'entrée en vigueur du nouveau code de la sécurité routière, qui prévoit entre autres des règles resserrées pour les textos au volant et les récidivistes de l'alcool au volant. M. Dionne affirme avoir reçu une bonne écoute de l'actuel ministre québécois des Transports André Fortin, après plusieurs années passées  à « discuter avec des ministres qui dormaient au gaz » sur la question de la sécurité des travailleurs des chantiers routiers.

M. Dionne souhaite également que les conducteurs qui causent un accident sur un chantier routier soient automatiquement accusés au criminel, sans égard aux conséquences. « On ne devrait pas attendre qu'il y ait un décès, dit-il. Dès qu'un signaleur ou un autre travailleur est frappé, l'accusation criminelle devrait être automatique. »