La famille de l'Ironman pleure l'un des siens. Deux jours après l'épreuve de Mont-Tremblant, les organisateurs ont annoncé que l'un des participants avait succombé mardi soir à des complications survenues au cours de la portion course à pied.

L'homme de 42 ans, Jean-François Chalifour, s'est effondré dans la première partie du marathon après avoir nagé sur 3,8 kilomètres, puis parcouru 180 kilomètres à vélo. Les causes de sa mort n'ont pas été dévoilées par les organisateurs, par «respect pour sa famille».

L'athlète était un médecin bien connu dans les Laurentides. Chef du service de pneumologie du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) des Laurentides, le Dr Chalifour dirigeait notamment deux laboratoires dans la région. Malgré un horaire chargé, le pneumologue à l'Hotel-Dieu de Saint-Jérôme trouvait toujours un peu de temps pour s'adonner à sa passion: le sport, dont le triathlon. Il a, par exemple, participé au demi-Ironman de Mont-Tremblant, au mois de juin dernier.

«On dit qu'il n'y a pas d'âge pour mourir, mais 42 ans, c'est trop jeune, regrette une collègue, Kathleen Longpré. Dans le cadre d'un Ironman, on se demande toujours comment ça a pu arriver. C'était un homme qui était très occupé avec beaucoup de projets qui lui tenaient à coeur. Il partait souvent pour s'entraîner, pour faire du vélo ou de la course. Je sais que, il n'y a pas longtemps, il est revenu d'Italie, où il avait fait du vélo.»

La nouvelle a aussi suscité une vive émotion sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, plusieurs proches ont tenu à lui rendre hommage sur la page officielle d'Ironman Mont-Tremblant. D'autres participants, qu'ils soient professionnels ou amateurs, ont aussi témoigné de leur soutien. L'un d'eux a même proposé de donner sa médaille de finissant à la famille de la victime.

43 morts en huit ans

Si Mont-Tremblant avait été épargné jusqu'ici, plusieurs triathlons ont été endeuillés au fil des années. Une étude de USA Triathlon, dévoilée en 2012, recensait ainsi 43 morts lors des huit années précédentes sur le sol américain. Cela équivaut à une personne sur 76 000 participants, un chiffre certes bas, mais tout de même deux fois plus élevé que dans le cadre des marathons.

«La réponse facile est que c'est plus intense et que c'est plus dur, mais il y a d'autres différences. L'âge des participants peut être un facteur, puisque ce sont des gens un peu plus âgés dans les triathlons, souligne le Dr Martin Juneau, cardiologue et directeur de la prévention à l'Institut de cardiologie de Montréal. Avec tout l'équipement nécessaire, comme un vélo en carbone, ce ne sont pas forcément des jeunes qui peuvent se payer tout ça. Cela dit, ces morts sont spectaculaires, mais elles sont très rares. Ça frappe l'imagination parce que ce sont des gens en forme.»

Sur les 43 morts, 30 sont survenues au cours du volet natation, soit la première des épreuves d'un triathlon. Huit personnes sont mortes à vélo, dont cinq après une chute, et trois seulement au cours du marathon. Enfin, deux décès ont été constatés une fois la ligne d'arrivée franchie. Comment expliquer ce nombre si élevé en natation par rapport aux deux autres portions?

«L'adrénaline qui monte, les conditions parfois difficiles et le côté physique de la nage peuvent mener à une arythmie fatale, propose le Dr Lawrence L. Cresswell, cardiochirurgien à Jackson, au Mississippi, et auteur du blogue Athlete's heart. Si ça arrive, ça peut être difficile de repérer la victime, de la ramener sur la terre ferme et de tenter une manoeuvre de réanimation. Aux États-Unis, il n'y a que très peu de nageurs qui ont survécu à un épisode cardiaque. À vélo ou lors de la course, le rythme cardiaque est habituellement plus bas, ce qui diminue le risque d'incidents. De plus, ils peuvent tout simplement s'arrêter, si ça ne va pas, et être plus facilement secourus par des spectateurs.»

Oedème pulmonaire

Une autre théorie est de plus en plus avancée pour expliquer le nombre de morts que l'on constate souvent dans les 100 premiers et derniers mètres de nage.

«Un oedème pulmonaire (swimming induced pulmonary edema ou SIPE) survient chez les gens normaux lors des courses de natation, généralement en eau vive, explique de son côté le Dr Juneau. Il y a des sécrétions qui s'accumulent dans vos alvéoles, c'est-à-dire du liquide qui vient de vos vaisseaux. Le cas classique, c'est un jeune homme en parfaite santé qui va nager en eau froide, avec une combinaison [...] qui comprime la circulation. Et à l'autopsie, on constate un oedème pulmonaire.»

D'autres problèmes peuvent avoir des conséquences fatales lors d'une course d'endurance, telles l'hyponatrémie (concentration trop basse de sodium dans le sang) ou l'hyperthermie. Dans tous les cas, toutes les catégories sont touchées, même si les risques sont accrus après l'âge de 35 ans. Selon l'étude de USA Triathlon, la grande majorité des victimes étaient âgées de 30 à 60 ans.

«Passé l'âge de 35 ans, c'est une maladie coronarienne 85 % du temps, précise le Dr Juneau. Ce sont des blocages sur les vaisseaux qui sont asymptomatiques. À cause d'un effort intense et prolongé, il se produit un infarctus. Avant l'âge de 35 ans, une morte subite n'est pas coronarienne. C'est plutôt une pathologie cardiaque congénitale qui n'a pas été décelée.»

Photo tirée du site de la Clinique sport santé

Le Dr Jean-François Chalifour