La démolition d'un bâtiment abandonné de l'avenue Laurier qui menaçait de s'effondrer depuis l'affaissement de son toit en matinée a commencé vendredi après-midi. L'opération devrait se conclure dans les prochains jours. Le parti Projet Montréal dénonce la négligence du propriétaire et l'immobilisme de la Ville dans ce dossier.

Cet édifice de deux étages aux fenêtres placardées balafrait depuis des années l'avenue Laurier Ouest, au coin de l'avenue de L'Esplanade, dans l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal. Vendredi matin, le toit du bâtiment commercial s'est effondré à 70 %, selon le Service de sécurité incendie de Montréal (SIM), vraisemblablement en raison de l'accumulation de neige. Heureusement, personne n'a été blessé.

Même si l'effondrement du toit passait inaperçu de la rue, un des murs du bâtiment bombait dangereusement et menaçait de s'effondrer à tout moment pendant la journée. En début d'après-midi, les ingénieurs de la Ville ont confirmé que le bâtiment représentait une «menace pour la sécurité du public» et ont donné le feu vert à la démolition.

Les pelles mécaniques se sont mises à l'oeuvre dès 15h30 devant de nombreux badauds qui observaient la scène. Les ouvriers ont d'abord ouvert les murs du bâtiment pour vérifier l'état de la structure. L'édifice devrait être rasé complètement dans les prochains jours, peut-être même plus tôt, selon l'avancée des travaux.

L'édifice vacant était sur le radar de l'arrondissement depuis des années. Le propriétaire avait d'ailleurs été averti à plusieurs reprises de «sa responsabilité d'entretenir et de maintenir son bâtiment sécuritaire», indique Catherine Piazzon, porte-parole de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal.

Demandes du propriétaire

Le propriétaire avait effectué dans le passé plusieurs demandes de conversion ou de démolition pour «un projet de remplacement ne répondant pas aux normes pourtant très claires du Plateau en matière de patrimoine», explique Catherine Piazzon. Le propriétaire du bâtiment, le Groupe Shiller Lavy, n'avait pas rappelé La Presse vendredi. Joint au téléphone, l'agent immobilier responsable de la vente de la bâtisse a refusé de répondre à nos questions.

Un inspecteur avait inspecté l'extérieur du bâtiment le 7 février dernier pour s'assurer qu'il était bien barricadé et inaccessible aux squatteurs. Or, les pouvoirs des inspecteurs sont trop limités pour sévir contre les propriétaires récalcitrants, dénonce Marie Plourde, conseillère d'arrondissement du district Mile-End. «Il y a un problème criant. La Ville ne fait rien. Ce n'est pas un hasard: on a eu plusieurs cas de propriétés qui s'effondrent ou qui passent mystérieusement au feu, comme dans le Quartier chinois ou sur l'avenue du Parc. On surveille des bâtiments, mais on n'a pas d'outils pour contraindre», soutient-elle.

Selon la conseillère, l'arrondissement devrait pouvoir imposer des inspections complètes de bâtiments tous les six mois et imposer des hausses de taxes pour les propriétaires qui laissent volontairement leurs locaux vacants. L'élue de Projet Montréal suggère d'obliger chaque année les propriétaires de fournir un rapport d'ingénieur pour vérifier l'état véritable de leurs bâtiments abandonnés.

Le directeur général de l'Association des commerçants de l'avenue Laurier Ouest Louis-David Malo aimerait que la Ville soit «plus agressive» à l'endroit des propriétaires de bâtiments vacants pour qu'une telle situation ne se reproduise plus. 

Le bâtiment «jurait dans le décor» du quartier, ajoute M. Malo. «L'avenue Laurier va très bien. Dans la dernière année, on a 15 nouveaux commerces qui sont venus s'établir ici, et ceux qui sont déjà ici sont en expansion. On avait un obstacle, c'est celui-là. Personne ne voulait en devenir acquéreur», explique-t-il, en montrant du doigt le bâtiment abandonné.

Les affaires ont été très difficiles vendredi pour les commerçants du secteur interrogés par La Presse, notamment en raison du périmètre de sécurité érigé autour du bâtiment. «Ça n'aide pas. Les affaires sont difficiles en ce moment. Tous les stationnements étaient pris aujourd'hui. Il doit y avoir un capharnaüm de bouchons à cause de ça», soupire Catherine Szabo, propriétaire depuis 27 ans de la boutique de vêtements Pierre, Jean, Jacques, en face du bâtiment barricadé.

La commerçante s'inquiète de façon plus générale de l'inaction de la Ville pour juguler la défection des banlieusards des avenues commerciales de Montréal. «La Ville n'a pas de coeur, elle ne veut plus que les affaires se passent avec les gens de la Rive-Sud. Ils ont tout fait pour dégoûter les gens», dénonce-t-elle.