Le choix d'inviter l'avocate de l'ancien animateur vedette de CBC Jian Ghomeshi comme conférencière suscite l'émoi dans quatre universités canadiennes.

Marie Henein, avocate réputée de Toronto, doit prendre la parole à l'Université Bishops de Sherbrooke en février, dans le cadre d'une conférence qui sera diffusée en simultané dans les universités néo-écossaises St-Francis Xavier et Acadia ainsi qu'à l'Université Mount Allison, au Nouveau-Brunswick.

Une étudiante de l'Université St-Francis Xavier, Jasmine Cormier, dénonce une telle invitation dans un texte qu'elle signe dans la parution hebdomadaire du journal étudiant, arguant que la tribune accordée à Me Henein contribuera à faire taire les victimes d'agressions sexuelles et à perpétuer la culture du viol.

La directrice générale du Centre de ressources pour femmes d'Antigonish - ville qui abrite l'Université St-Francis Xavier - abonde dans le même sens. Lucille Harper estime que le choix d'inviter l'avocate qui a défendu Jian Ghomeshi aura pour effet de minimiser l'enjeu de la violence sexuelle et de ses manifestations sur les campus universitaires.

Jian Ghomeshi a été acquitté, en mars, des quatre chefs d'accusation d'agression sexuelle qui pesaient contre lui et d'une allégation d'avoir tenté d'étrangler une personne pour vaincre sa résistance.

Les responsables des universités concernées ont ignoré le fait qu'une telle conférence «retraumatisera les étudiantes de (leur) campus qui ont vécu des violences sexuelles» ou celles qui pourraient avoir à porter plainte à l'avenir, croit Mme Harper.

Jasmine Cormier va pour sa part jusqu'à réclamer l'annulation de l'événement. Dans son texte paru cette semaine, elle soutient que Me Henein a traité de façon agressive les femmes qui ont accusé Jian Ghomeshi d'inconduite sexuelle.

«C'est une brillante avocate, c'est une femme et, de ce point de vue, elle ferait une personne excellente à (recevoir) dans cet établissement», admet à tout le moins l'étudiante, ajoutant toutefois que les propos de l'avocate et le «mépris dont elle a fait preuve à l'égard de victimes de violences sexuelles» assombrissent tout le reste.

«Quand on pense à Marie Henein aujourd'hui, c'est à ça qu'on l'associe», a-t-elle fait valoir.

Plusieurs personnes qui ont commenté l'article sur le web ont toutefois relevé que l'allocution de Me Henein permettra d'entendre un point de vue différent sur des enjeux importants et ouvrira la voie à un débat public.

L'avocate qui se retrouve au centre de cette controverse n'a pas fait suite à la demande d'entrevue de La Presse canadienne, mardi. Elle avait dit en entrevue à CBC, à la fin mars, qu'elle ne faisait que son travail en défendant le principe de présomption d'innocence.

Les porte-parole de l'Université St-Francis Xavier ont transféré les demandes de commentaires à l'Université Bishops, qui n'a pas répondu à la demande d'entrevue de La Presse canadienne.