Sans logis, avec des ressources limitées, les locataires jetés à la rue dimanche dans Griffintown entament des procédures qui s'annoncent ardues. Entre les assurances qui ne se font pas rassurantes, la Ville de Montréal qui tient la coopérative responsable de son bâtiment et le promoteur Maître Carré qui ne se dit pas responsable du sort de la coopérative, la petite coopérative Ste-Anne n'a aucune idée si elle survivra à cette enfilade de malheurs.

« Vous ne pouvez pas savoir les problèmes qu'on a et qui nous attendent », a lancé Nicole Bagnato au lendemain de la destruction de l'immeuble où elle habitait.

Des travaux d'excavation se déroulaient juste à côté de la coopérative depuis décembre. À la fin du mois de mars, une conduite d'eau de la Ville s'est rompue à proximité de la coopérative. On a remarqué un affaissement du sol qui menaçait la stabilité du bâtiment situé dans la rue de la Montagne, à l'intersection de la rue Wellington. En fin de semaine dernière, la démolition partielle a été ordonnée pour des raisons de sécurité.

« Ça a l'air d'être un amalgame de problèmes qui a causé l'effondrement. C'est un bâtiment qui date, il y a eu beaucoup de pluie. Pour l'instant, ce n'est pas clair quelle est la cause précise de cet effondrement-là », a pour sa part répondu Anne Dongois, porte-parole de Maître Carré, le constructeur responsable du projet voisin. « Il faut comprendre que c'est sur le terrain de la coop. C'est sûr que ça va partir entre les mains des assurances et des avocats, ce dossier-là », a-t-elle ajouté.

Or, pour la coopérative, la guerre administrative dans laquelle elle se retrouve bien malgré elle pourrait être son coup de grâce.

« Tout notre fonds de réserve sert à payer les frais d'avocat et les ingénieurs. On n'a pas les moyens de reconstruire. Soit on aura besoin d'une aide extérieure, soit la coop Ste-Anne va mourir de sa belle mort », s'inquiète la présidente de la coopérative, Guylaine Mayer.

ASSURANCES QUI SE DÉFILENT

C'est que la coopérative ne met pas beaucoup d'espoir en son assureur, qui s'est dit impuissant devant un tel cas.

La coopérative possède une assurance pour l'édifice, mais les locataires avaient la responsabilité personnelle de souscrire à une police pour leurs biens.

« Moi, mon courtier est le même que celui de la coopérative, alors il m'a dit que la conclusion serait sûrement la même. Ça regarde mal... », a affirmé Jocelyne Marcotte, qui craint de ne recevoir aucun dédommagement pour tout ce que son mari et elle ont perdu.

Le portrait est plus encourageant pour sa soeur Nicole Bagnato. Assurée ailleurs, elle doit recevoir une première somme d'argent d'ici la fin de semaine pour subvenir aux besoins urgents. D'autres locataires évacués ne possédaient tout simplement pas d'assurance habitation.

JETÉS À LA RUE

La Croix-Rouge s'est chargée de l'hébergement des sinistrés pour les 72 premières heures, comme le veut la procédure. À compter d'aujourd'hui, les 18 personnes évacuées sont laissées à elles-mêmes. Parmi elles, Nicole Bagnato, ses soeurs Jocelyne Marcotte et Guylaine Mayer ainsi que leurs conjoints.

« Nous, on va rester à l'hôtel en attendant de trouver quelque chose à moyen terme, mais certains locataires n'ont pas les moyens ou n'avaient pas d'assurances », a expliqué Guylaine Mayer.

La coopérative Ste-Anne est l'une des plus vieilles de Montréal. En 1978, quand les soeurs Guylaine Mayer, Jocelyne Marcotte et Nicole Bagnato ainsi que leurs maris et d'autres locataires ont transformé l'immeuble en coopérative, l'ancien propriétaire, Destination Habitat, leur a vendu l'édifice pour 1 $ avec un transfert d'hypothèque à taux fixe sur 30 ans.

« Pour mon quatre et demi, je payais 125 $ par mois en 78, et aujourd'hui, je payais 310 $ par mois. C'est certain qu'on ne retrouvera rien à ce prix », indique Jocelyne Marcotte.

Les trois soeurs, qui ont vécu toute leur vie dans cet immeuble et qui comptaient y rester pour leurs vieux jours, commenceront leurs recherches. Elles espèrent trouver un endroit où elles pourront encore vivre dans une telle proximité.

- Avec la collaboration de Tristan Péloquin