Prêtre depuis maintenant 29 ans, Claude Gosselin est bien conscient qu'un moment unique l'attend, vendredi, entre les murs de l'église Saint-François-Xavier sur l'île du Havre Aubert, aux Îles-de-la-Madeleine.

C'est à l'homme de 57 ans et son concélébrant Réjean Coulombe que reviendra la lourde tâche d'accompagner la famille Lapierre pour les funérailles de leurs proches, vendredi.

Ce qui devait au départ être les obsèques du patriarche de la famille, Raymond, a pris une tournure dramatique quand Jean Lapierre, sa conjointe, Nicole Beaulieu, sa soeur Martine et ses frères Marc et Louis ont perdu la vie dans l'écrasement du Mitsubishi MU-2B-60 qui les transportait à destination de l'archipel.

Bien que le décès du chroniqueur politique et ex-ministre ait particulièrement retenu l'attention à l'échelle nationale, le drame familial a également profondément secoué la communauté des Îles-de-la-Madeleine en déclenchant une réflexion chez plusieurs, a pu observer le prêtre Gosselin.

« Cela est venu sonner un réveil qui a incité certains à se dire : "Qu'est-ce qui est important dans nos vies?", a-t-il expliqué au cours d'une entrevue téléphonique. Je sens cela chez les gens. Ils sont touchés par Mme Lucie (la veuve de Raymond Lapierre), qui attendait ses enfants, qui sont arrivés, mais qui seront sur le mauvais siège aux funérailles. »

Solidaires, les Madelinots rempliront assurément l'église Saint-François-Xavier - qui peut accueillir jusqu'à 700 personnes - pour accompagner la famille Lapierre, selon le prêtre Gosselin.

Aux Îles-de-la-Madeleine, il est encore fréquent qu'un prêtre se rende chez les gens qui vivent des moments éprouvants afin de les épauler. Le drame de la dernière semaine n'a pas fait exception à la règle.

« On chemine avec la famille immédiate depuis le début, raconte le quinquagénaire. Cela nous touche personnellement parce qu'il n'y a pas de recette là-dedans. »

Même après avoir accompagné la famille immédiate depuis la tragédie, les concélébrants n'ont pas la prétention d'être en mesure d'expliquer l'inexplicable au moment des funérailles.

« Si on veut laisser la place à l'esprit, il faut d'abord accepter qu'on n'a pas de mots, observe le prêtre Gosselin. Ils (les membres de la famille) n'ont pas besoin de mots, ils ont besoin de libérer leur peine. Ce n'est pas le moment des discours ou des histoires de ciel raboutées à des croyances. Nous n'avons pas à en rajouter tellement la réalité est difficile. »

Arrivé aux Îles-de-la-Madeleine il y a près de deux ans, celui-ci s'estime chanceux de pouvoir compter sur son concélébrant, présent dans l'archipel depuis près de 20 ans. De son propre aveu, le prêtre Gosselin concède qu'il aurait été difficile d'être à la hauteur en étant seul.

Il espère par ailleurs que les gens touchés par cette tragédie et qui ont suivi les événements des derniers jours, même à distance, profiteront des funérailles de vendredi pour « voir l'événement de l'intérieur ».

« J'invite les gens à réfléchir sur ce drame de façon intérieure, explique le prêtre Gosselin. À ce moment-là, ils pourront vraiment être en communion avec ce qui se passe sur le terrain. »

Ce dernier s'est également montré particulièrement ému en évoquant les pilotes Pascal Gosselin et Fabrice Labourel, deux hommes qui, selon lui, ont « fait tout ce qu'ils pouvaient » pour redresser l'appareil et éviter l'écrasement.

« Nous pensons beaucoup à eux, confie-t-il. Tout le monde parle des pilotes. Ici, ils représentent notre contact avec le continent. Ça doit être difficile pour ces familles-là. »

Les funérailles de Pascal Gosselin, 46 ans, sont par ailleurs prévues samedi, à La Prairie, sur la Rive-Sud de Montréal. On ignore encore les détails des funérailles de l'autre membre d'équipage qui a péri.

Une cérémonie commémorative est également prévue le samedi 16 avril en l'honneur de Jean Lapierre et de Nicole Beaulieu à l'église Saint-Viateur d'Outremont.