«Je me suis fermé les deux yeux parce que j'ai eu peur. Je me suis dit: "C'est fini, je viens de mourir." Et quand j'ai rouvert les yeux, j'ai vu que j'étais encore là.»

Danielle Riopelle a frôlé la mort, mardi soir. Elle était juste derrière le camion dont la benne relevée est à l'origine de l'effondrement d'une passerelle piétonnière à Longueuil. Ce moment, elle le revoit en boucle dans sa tête depuis l'accident.

La femme de 49 ans était partie de chez elle à Saint-Jérôme pour aller rejoindre des amies à une soirée sur la Rive-Sud. Elle roulait sur la voie de droite de la route 132 lorsqu'un camion lourd a surgi par la bretelle d'accès. «Je l'ai laissé passer parce que je sortais à la prochaine sortie», raconte-t-elle à La Presse, encore secouée. C'est à ce moment qu'elle s'est rendu compte que la benne du camion à quelques mètres devant elle était relevée.

«Je l'ai regardé, j'ai dit: "Mon Dieu! Qu'est-ce qu'il fait là, le monsieur?" Je me suis dit qu'il ne savait pas que sa benne était levée, c'est sûr.» Une minute plus tard, juste devant sa voiture, la structure surélevée du camion a percuté la passerelle piétonnière, provoquant ainsi une pluie de béton devant la voiture de Mme Riopelle. Le véhicule utilitaire sport de la mère de famille a ensuite percuté ce qu'il restait de la passerelle au sol avant de terminer sa course sur le tas de débris.

«Ça s'est passé tellement vite. Dans ma tête, je ne comprenais pas pourquoi la benne chavirait. La boîte était tellement haute que je n'ai pas vu la passerelle se rompre. Je n'aurais pas pu l'éviter», dit-elle.

Les services d'urgence et des employés du ministère des Transports ont été dépêchés sur les lieux afin d'évacuer les automobilistes. La route 132 a été fermée dans les deux directions pendant des heures. Les autorités craignaient que l'autre partie de la passerelle ne s'effondre. La structure a finalement été complètement démolie. «J'ai eu tellement de chance. En y repensant, je me dis qu'il y avait quelqu'un avec moi, qu'il y avait un passager imaginaire», philosophe Mme Riopelle.

Elle s'en est tirée avec un choc nerveux et des blessures mineures.

«Je ressens des douleurs des orteils jusqu'au bout de la tête, mais je suis chanceuse quand même.» Danielle Riopelle a rencontré les enquêteurs de la Sûreté du Québec pour leur donner sa version des faits. Ce qu'il reste de son véhicule a temporairement été réquisitionné à des fins d'enquêtes.

Elle n'a pas parlé au conducteur du camion depuis l'accident, mais assure ne pas lui en vouloir. «Je n'en veux pas au chauffeur. Ça ne me donne rien d'avoir de la colère contre lui.» Aujourd'hui, ses pensées sont surtout tournées vers les circonstances de l'incident. «On s'invente bien des histoires. J'aurais pu aller plus ou moins vite, mais il est trop tard. Mais au fond, j'étais juste là au mauvais moment. C'est le destin qui a voulu ça», conclut-elle.

- Avec la collaboration de Daniel Renaud

Photo Martin Chamberland, La Presse

La structure de la passerelle piétonnière a été complètement démolie, hier. La Ville de Longueuil a cependant promis de la reconstruire.

Québec veut munir les camions à benne d'avertisseurs

Le ministre des Transports pense que les camions à benne devraient être munis d'un signal avertissant les chauffeurs lorsque leur boîte arrière est relevée. Pour éviter que de telles situations ne se reproduisent, Robert Poëti demandera à Transports Canada de revoir la réglementation des véhicules lourds. Il promet aussi de se pencher sur la question pour voir ce que le gouvernement provincial peut faire.

« Je suis un peu étonné qu'en 2015, ce ne soit pas comme ça. Je vais donc regarder ce qu'on peut faire », a déclaré le ministre dans une entrevue à La Presse. Il précise au passage que certains camions sont déjà équipés d'un avertisseur ou d'un signal sonore au Québec.

Mardi soir, un camion dont la benne était relevée a percuté une passerelle piétonnière. L'accident a fait deux blessés, en plus d'entraîner la fermeture de la route 132 pendant des heures. La Ville de Longueuil a promis de reconstruire la passerelle, qui avait fait l'objet de travaux de réfection, l'an dernier. L'entreprise de construction DJL avait obtenu le contrat d'une valeur de 3,2 millions de dollars.

Longueuil n'a toutefois pas voulu se prononcer sur d'éventuels recours judiciaires contre l'entreprise de transport Arguy, peut-être responsable de l'effondrement.

« On est au lendemain d'un évènement important qui aurait pu avoir des conséquences graves, a indiqué hier Bernard Bigras, porte-parole de la Ville. On n'est pas rendus là. Il faut monter le dossier. Il faut voir ce qui en est. »

La Sûreté du Québec a fait une inspection mécanique du véhicule, en plus de rencontrer les principaux acteurs de l'évènement.

Matière à poursuite

La Ville de Longueuil aurait avantage à poursuivre l'entreprise de transport potentiellement fautive, selon un expert en responsabilité civile consulté parLa Presse. Me Serge Dubé, associé chez Dubé Latreille Avocats, croit que cette histoire a toutes les allures d'un recours récursoire. « C'est lorsqu'un dommage se produit et que vous vous retournez contre l'auteur. Dans ce cas-ci, ce serait logique. C'est évident qu'il y a une faute de la part du conducteur, et comme l'entreprise est responsable, elle à un lien de préposition, elle est responsable », explique-t-il.