Une puissante figure du monde interlope s'est éteinte vendredi. Le caïd Adrien Dubois, alias Le Portefeuille, est mort d'un cancer, entouré de ses proches à sa maison de Sainte-Adèle.

Autrefois reconnue comme une des plus puissantes organisations criminelles montréalaises, sa famille s'est faite discrète depuis les années 80. Ce qui n'empêchait pas le vieux renard de jouer un rôle influent, tapi dans l'ombre.

Né en 1946, Adrien Dubois est le benjamin de neuf frères de Saint-Henri, quartier populaire où ses aînés se sont imposés comme de redoutables fiers à bras.

«C'était une famille nombreuse, pas très riche à ma connaissance. Et après avoir travaillé pour les Cotroni [ancien clan dominant de la mafia], ils ont pris du galon et décidé de mener leurs propres affaires. Ils sont devenus très influents dans les années 70, avec la drogue, la prostitution, les boîtes de nuit, les danseuses nues», raconte l'ex-journaliste et député Jean-Pierre Charbonneau, auteur du livre La filière canadienne.

En 1975, la Commission d'enquête sur le crime organisé (CECO) tient des audiences sur le «clan Dubois», qu'elle désignera comme l'une des deux plus puissantes organisations criminelles de Montréal.

Violence

Même s'il a été souvent soupçonné et parfois accusé en lien avec les activités de son clan, Adrien Dubois ne possède pas un lourd casier criminel. Il n'avait pas nécessairement lui-même besoin de se salir les mains en utilisant la violence. Le travail avait déjà été fait.

«C'était le plus jeune, ce sont ses frères qui ont ouvert le chemin», explique le journaliste retraité de La Presse André Cédilot, un spécialiste du crime organisé.

«Il y avait ses frères qui étaient grands et gros, ça faisait une petite armée», remarque le procureur de la Couronne Jacques Dagenais, qui avait rédigé un rapport sur les Dubois pour la CECO.

«Il y a eu des guerres, des tueries, des jobs de bras, ils faisaient peur. Adrien Dubois passait pour le cerveau du groupe, le gars qui allait être l'étoile montante. Ce n'était pas le plus porté sur la violence, il était plus dans les stupéfiants et tout ça», ajoute-t-il.

Migration

Après avoir été ébranlés par la Commission d'enquête, des procès criminels et les aveux de certains délateurs, les Dubois quittent l'avant-scène criminelle montréalaise. Adrien Dubois déménage d'abord à Châteauguay en 1982, puis, après son mariage en 1984, s'établit dans les Laurentides, où il vivra jusqu'à sa mort.

«Adrien Dubois a compris que ça chauffait trop, qu'il devait se faire plus discret, et il a donc quitté Montréal», croit André Cédilot.

Argent

Adrien Dubois était surnommé Le Portefeuille parce qu'il faisait dans le prêt d'argent à grande échelle, notamment dans les Laurentides.

Le trafiquant de cannabis Jimmy Cournoyer, condamné cette année pour avoir inondé de pot la région de New York, lui avait emprunté 100 000$ quelques mois avant son arrestation.

Il y a un an, un policier de la Sûreté du Québec s'est aussi retrouvé dans le pétrin lorsque ses supérieurs ont appris qu'il avait emprunté 500 000$ à Adrien Dubois pour s'acheter une maison.

Jusqu'à sa mort, Dubois a possédé plusieurs investissements immobiliers et il faisait des prêts hypothécaires à partir de sociétés à numéro appartenant à lui ou à ses proches, selon nos recherches.

En 2011, il a vendu plus de 5 millions une série de terrains près du mont Saint-Sauveur, où un promoteur voulait aménager un nouveau lotissement. Quatre sources bien informées ont confirmé à La Presse que Dubois était toujours considéré par plusieurs gros noms du crime organisé comme un homme à qui on pouvait faire appel pour financer des projets et dispenser de précieux conseils, en raison de son expérience.

Son nom est d'ailleurs sorti dans plusieurs enquêtes antidrogue au cours des dernières décennies, sans qu'il soit arrêté de nouveau.