La vie a basculé pour les proches d'un jeune motocycliste, mort après avoir été atteint par une roue qui s'est détachée d'un véhicule, il y a quatre ans. Le drame aurait pu être évité aux yeux des parents de Mathieu Beaulieu, qui exhortent les automobilistes à faire preuve de vigilance, à une semaine de la date limite pour l'installation des pneus d'hiver.

Mai 2010, dans une résidence de Saint-Constant. Un père parle à son fils, qui vient d'acheter une nouvelle moto. Une discussion banale, presque convenue.

«Fais attention, Mathieu, s'il t'arrivait quoi que ce soit, ça détruirait toute la famille.

- Ben non, p'pa, arrête de t'en faire avec ça.»

Mathieu Beaulieu, 20 ans, est mort le lendemain à midi, tout près de la maison, sur la route 132.

Une roue s'est détachée d'un véhicule qui roulait en sens inverse pour aller heurter de plein fouet la victime à la tête. Le motocycliste a été éjecté, puis tué sur le coup.

Le véhicule impliqué a percuté un parapet de ciment après avoir perdu une roue. Sa conductrice a subi un violent choc nerveux.

Un peu plus de quatre ans ont passé. Les parents de Mathieu, Daniel Beaulieu et Lise Rémillard, nous reçoivent dans la cuisine de leur bungalow. Ils repensent chaque jour au coup du hasard funeste qui leur a volé leur fils aîné.

Le coup de fil de Lise au travail de Daniel. Le trajet rempli de doutes du père vers la maison, retardé par un bouchon de circulation causé par l'accident qui a emporté son fils.

Puis, la confirmation du décès dans la salle d'attente numéro 12 de l'hôpital. «On espère toujours qu'il soit juste blessé, mais intérieurement, on doute très fort», raconte le père.

La famille est dévastée, en crise, sous le choc. «C'était mon fils, mon bras droit, le noyau familial», résume Daniel, attablé dans sa cuisine, près d'une photo de son fils aîné, immortalisé lors d'un voyage en République dominicaine. Sa conjointe tarde à nous rejoindre pour l'entrevue. Elle peine encore à en parler. «Son Mathieu était une moitié d'elle-même», résume Daniel, comme pour l'excuser.

À quoi s'accroche-t-on lorsqu'on perd quelqu'un d'une manière aussi inhabituelle? Daniel Beaulieu a trouvé sa cause et s'y agrippe comme à une bouée. À l'approche de la date butoir pour installer les pneus d'hiver, il exhorte les automobilistes à la vigilance. Il croit que son fils serait vivant si les roues avaient été bien installées sur le véhicule impliqué dans l'accident. «On a appris que l'automobiliste avait changé ses pneus un mois plus tôt dans un garage, puis avait desserré les écrous manuellement pour se faciliter le travail en cas de crevaison», rapporte le père.

Dans le rapport du coroner, la conductrice affirme que la voiture vibrait légèrement la veille de l'accident. Les vibrations se sont répétées tout juste avant la perte de la roue. Quatre des cinq écrous se sont brisés sur la roue impliquée.

«Quand l'auto vibre comme ça, me semble que t'arrêtes! Tu vas au garage!», lance, furieux, M. Beaulieu, qui veut sensibiliser les gens aux conséquences désastreuses d'un geste anodin comme un changement de pneus et de roues.

Il encourage les gens à faire confiance à des garagistes au lieu de le faire eux-mêmes avec les moyens du bord.

«Il ne faudrait pas attendre d'autres morts. On ne s'imagine pas le mal qu'une telle négligence peut causer.»

Le vide créé par la disparition de Mathieu est impossible à combler pour sa famille. «C'était le boute-en-train, le "colleux", toujours en train de se tirailler avec sa mère. Si c'est aussi dur, c'est qu'il nous a bien gâtés», dit le père, retenant un sanglot.

Le temps fait son oeuvre, bien sûr, mais beaucoup plus lentement que prévu. La famille a déménagé à Delson, pour changer d'air. «Mais le cerveau est plus futé que ça. Quand tu te couches le soir, tu penses toujours aux mêmes choses, peu importe où t'es», souligne M. Beaulieu.

Les parents de Mathieu espèrent que leur histoire va faire réfléchir les gens, même s'ils sont conscients que la mort de leur fils est le fruit d'un malheureux hasard, même s'ils sont conscients qu'ils sont victimes d'un accident qui n'arrive d'ordinaire qu'aux autres.

Un cas rare

L'accident qui a fauché Mathieu Beaulieu est un cas rare et isolé, nous dit-on au ministère des Transports du Québec, qui ne possède pas de statistiques sur ce type d'accident. Même chose du côté de la Société de l'assurance automobile du Québec, qui a néanmoins publié un manuel intitulé Les pertes de roues, un risque à ne pas courir!, dont la dernière édition remonte à 2005. Le document vise à «sensibiliser le propriétaire, l'installateur professionnel, le conducteur et le responsable de l'entretien préventif à l'importance de bien serrer les roues des véhicules afin de circuler en toute sécurité», lit-on dans l'avant-propos. Transports Québec rappelle pour sa part que l'installation des pneus d'hiver réduit de 17% le nombre d'accidents pendant la période hivernale. «C'est important, puisque le pneu quatre saisons perd son adhérence et son efficacité à partir de 7ºC, tandis que le pneu d'hiver se rend à - 40», explique Martin Girard, porte-parole du Ministère. Il ajoute que les pneus doivent dorénavant obligatoirement porter un pictogramme représentant un flocon de neige et une montagne.