Un nouveau chapitre s'est écrit, hier, dans la lutte sanglante que se livrent diverses factions du crime organisé, alors que Roger Valiquette, 54 ans, a été abattu à Laval. Le défunt en menait de plus en plus large dans le milieu criminel montréalais.

Vers 15 h 45, l'homme de forte corpulence a été atteint de plusieurs projectiles d'arme à feu au haut du corps près de son luxueux camion Mercedes, dans le stationnement d'un restaurant St-Hubert du 3825, boulevard Dagenais Ouest, dans le quartier Fabreville.

Les techniciens ambulanciers d'Urgences-santé ont tenté en vain de le réanimer.

La police de Laval a cédé les rênes de l'enquête à la Sûreté du Québec, puisque le crime organisé est probablement mêlé à cette affaire.

Valiquette, malgré ses origines bien québécoises, était, à l'instar de Raynald Desjardins, dont il n'était cependant pas très proche, un acteur important du milieu criminel italien.

Inconnu du grand public, il était en attente d'un procès pour menaces de mort et voies de fait avec utilisation d'une arme à feu, une affaire remontant à septembre. En 1991, cependant, il s'était livré aux autorités américaines après avoir été identifié dans une affaire d'importation de 60 kg de cocaïne colombienne à l'aéroport de Miami, dont la destination était le Canada.

BEAUCOUP D'AMIS, BEAUCOUP D'ENNEMIS

Plus récemment, il s'était acoquiné, selon nos sources, avec Tonino Callocchia, lui-même victime d'une tentative de meurtre similaire le 1er février dernier dans le stationnement d'un restaurant du boulevard Saint-Martin à Laval. Jadis proche des mafieux Joe Di Maulo et Moreno Gallo, récemment assassinés, Callocchia avait été condamné en 1998 à 10 ans de prison avec son beau-frère Vincenzo Armeni pour des importations de coke de 73 et 93 kg à l'aéroport Pearson de Toronto.

Valiquette aurait pris beaucoup de galon ces dernières années, et il serait devenu un acteur important sur la scène du crime organisé à Montréal. « Il en menait très large. On s'est pris à quelqu'un de très important », affirme un informateur.

D'après nos informations, des individus de l'entourage du duo Valiquette-Callocchia auraient pris ou tenté de prendre le contrôle du quartier Rivière-des-Prairies à Montréal, un territoire appartenant autrefois au puissant chef de clan Giuseppe De Vito, alias Ponytail, empoisonné au cyanure au pénitencier de Donnacona l'été dernier. Cette lutte d'influence pourrait se heurter à de la résistance, et pas seulement de la part de ce qui reste du clan De Vito, mais aussi de ses clans alliés. Mais Valiquette avait la réputation de ne pas s'en laisser imposer, selon d'autres sources.

« C'est un homme qui avait beaucoup d'amis, mais aussi beaucoup d'ennemis », nous a dit un autre informateur. Il ne faut donc pas conclure trop rapidement que ce meurtre s'inscrit dans la série de règlements de compte provoqués par le retour en force du parrain Vito Rizzuto.

Valiquette et Callocchia brassaient aussi des affaires dans le domaine du développement immobilier. Certaines entreprises de Callocchia sont enregistrées à la même adresse que celles de Valiquette sur le boulevard Dagenais, tout près de l'endroit où a eu lieu le meurtre.

NOUVELLE SPIRALE DE VIOLENCE ?

Roger Valiquette était, toujours selon nos sources, le plus important prêteur de la région de Montréal.

Malgré ses liens avec le crime organisé, il avait réussi à obtenir la sanction de l'Office de la protection du consommateur pour ses activités de prêteur. Tous les prestataires de services financiers « alternatifs » doivent obtenir un permis de l'Office. M. Valiquette et sa conjointe détenaient pas moins de cinq permis distincts, selon nos informations. Ils offraient leurs services sous des noms comme Financement Du-Val, Invest III, Les Investissements Rodi, ExPress Finance R.G. et Express Finance Investissement.

Le couple avait aussi une entreprise de courtage immobilier et de financement à Trois-Rivières, sous le nom d'Hypothèque Express.

Ce nouveau meurtre pourrait être le prélude d'une nouvelle spirale de violences. Des sources policières, judiciaires et criminelles craignent une nouvelle série d'attentats. Les policiers ont d'ailleurs avisé plusieurs individus liés à la mafia que leur vie était en danger dernièrement, nous a-t-on dit.

Photo La Presse

Roger Valiquette