Même s'il a comploté avec un Québécois pour importer 1200 kg de cocaïne en banlieue de Montréal, Ivan Betancur Alzate n'est ni « Pablo Escobar » ni un « parrain de la drogue colombien », selon son avocat. Le narcotrafiquant colombien devrait néanmoins écoper de huit ans de pénitencier pour envoyer un message de dénonciation de « portée internationale » aux Canadiens et aux Colombiens, a plaidé hier la Couronne fédérale.

Le Colombien de 58 ans a plaidé coupable, en août dernier, d'avoir comploté pour importer de la cocaïne dans le but d'en faire le trafic au Canada. Le narcotrafiquant de Cali était prêt à importer l'équivalent de dizaines, voire d'une centaine de millions de dollars de cocaïne d'une grande pureté.

Le plan pour importer 1200 kilos de cocaïne au pays était très élaboré, mais il ne s'est jamais concrétisé puisque le narcotrafiquant et ses complices, le Néo-Écossais Gary Meister et le Montréalais Normand Pomerleau, ont été piégés par deux agents d'infiltration de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dans le cadre du projet Harrington.

Ce plan a été présenté aux agents d'infiltration lors d'une rencontre organisée à Cartagena, en Colombie, en 2015. Ivan Betancur Alzate et deux autres Colombiens proposaient d'utiliser un bateau spécifiquement modifié pour dissimuler de la cocaïne et naviguer à grande vitesse afin de transporter la drogue jusqu'au large de Terre-Neuve. La drogue aurait ensuite été transférée sur des bateaux de pêche détenus par les agents d'infiltration, puis Normand Pomerleau aurait transporté la drogue en camion jusqu'à la région de Montréal. Ce dernier doit subir son procès devant jury en janvier prochain.

Ivan Betancur Alzate avait un rôle « actif » dans ce complot, a fait valoir hier Me Samuel Monfette-Tessier, de la Couronne fédérale, pendant les observations sur la peine.

Le procureur réclame une peine de huit ans de prison, laquelle n'est pas contestée par la défense.

Me Monfette-Tessier appelle le juge Pierre Labelle à envoyer un message « clair et non équivoque » aux Colombiens en imposant cette peine à Ivan Betancur Alzate. « La sentence va avoir une portée internationale. [...] Ce n'est pas juste un message qu'on envoie aux Canadiens, c'est un message que vous allez envoyer aussi aux Colombiens », a-t-il plaidé.

« PAS LE PROFIL [D'UN] PABLO ESCOBAR »

Le rôle d'Ivan Betancur Alzate s'est limité à celui de « traducteur » et de « facilitateur » pendant cette rencontre, soutient toutefois son avocat.

« [Il] n'avait pas le profil de Pablo Escobar, un trafiquant qui a de grands moyens et qui roule en voitures luxueuses, qui a des propriétés, des comptes bancaires. C'est plutôt quelqu'un qui vivait de façon très modeste. »

- Me Marion Burelle, avocat d'Ivan Betancur Alzate, dans son plaidoyer.

Veuf et père d'un adolescent, le Colombien n'a pas eu un « parcours facile », puisque son père a été tué par le « clan de [Pablo] Escobar » et son frère et sa soeur ont été assassinés.

Les deux parties s'entendent pour calculer à temps double les neuf mois de détention du narcotrafiquant en Colombie jusqu'à son extradition au Canada. Mais la Couronne demande à ce que sa détention préventive au Québec soit calculée à temps et demi, alors que la défense réclame un calcul en temps double.

Me Burelle soutient que son client n'a pas eu accès à des soins de santé pendant des mois pour son hypertension et ses problèmes chroniques au dos. « Il a fait des demandes sans arrêt pour être vu par les médecins pendant son séjour à [la prison de] Bordeaux, et ce n'est que cette semaine, suite aux pressions du consulat colombien, qu'il a été vu par un médecin. Avant ça, tout ce qu'on lui donnait, ce sont des Tylenol », s'est insurgé Me Burelle.

Le juge rendra sa décision le 2 novembre.