Avec la fin en queue de poisson de l'enquête sur les déversements massifs à la campagne, la gestion des sols contaminés est devenue « le dossier politique de l'été », croit l'ancien ministre péquiste de l'Environnement Sylvain Gaudreault, dont la formation politique mettra de l'avant plusieurs propositions destinées à lutter contre l'infiltration du crime organisé dans l'industrie.

La Presse révélait récemment que le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) avait décidé de ne pas porter d'accusations contre les suspects identifiés par le projet Naphtalène, enquête de la Sûreté du Québec sur l'infiltration de l'industrie de la décontamination par une organisation criminelle.

Les policiers ont eu connaissance de plus de 80 sites pollués par des déversements illégaux de sols contaminés, souvent sur des terres agricoles. Mais le DPCP a jugé que la preuve amassée serait insuffisante pour obtenir des condamnations devant la cour, notamment en raison du suicide d'un des témoins principaux.

SYLVAIN GAUDREAULT « SCANDALISÉ »

« Je pense que ce dossier-là, c'est le dossier politique de l'été. Et la ministre de l'Environnement n'a pas le choix de rendre des comptes à ce sujet. C'est hyper concret. On n'arrête pas de dire qu'il faut protéger nos terres agricoles, mais là, on a des terres qui vont être finies ! Il y a des impacts sur les familles qui sont voisines de ces situations, ça touche la confiance des citoyens envers l'appareil public, ça touche l'environnement, l'économie, le monde criminalisé », énumère Sylvain Gaudreault.

Le député de Jonquière, qui sera candidat à nouveau aux élections de cet automne, se dit « scandalisé » par la situation. Il soutient que la ministre de la Justice Stéphanie Vallée aurait dû intervenir pour prendre le dossier en main, comme le lui permet sa fonction de procureure générale du Québec dans des cas exceptionnels.

« La ministre de l'Environnement, Isabelle Melançon, dit que du personnel du Ministère a subi de l'intimidation. Elle admet qu'il y a du crime organisé qui a infiltré l'industrie des sols contaminés. Et autour de la même table, au Conseil des ministres, la procureure générale dit qu'il n'y a pas assez de preuves pour revoir le dossier. Sur le plan du sens de l'État, ça n'a pas de sens ! », dénonce-t-il.

La ministre de l'Environnement a dit que des poursuites civiles étaient en préparation. Elle a aussi déjà mis sur pied deux projets pilotes de traçabilité des sols contaminés, limités à deux projets de construction à Montréal, mais qui pourraient un jour être étendus à l'ensemble du Québec.

MESURES DEMANDÉES

Le Parti québécois réclame plus.

Il souhaite l'instauration rapide d'un système obligatoire de traçabilité pour tout contrat avec le gouvernement québécois ou les municipalités.

Il voudrait aussi qu'on exige que tous les sols contaminés du Québec soient traités dans un site accrédité québécois, du moins jusqu'à ce qu'une entente soit conclue avec l'Ontario sur l'accréditation des sites autorisés. Actuellement, comme la législation est différente en Ontario, Québec ne peut pas intervenir si un chargement de terre est exporté vers la province voisine.

Le PQ souhaite aussi un renforcement des sanctions contre ceux qui ne respectent pas les règles en matière de décontamination.

Finalement, il demande que les citoyens dont les terres ont été contaminées à leur insu soient indemnisés. La ministre a déjà ouvert la porte à une telle solution en entrevue avec La Presse le mois dernier.

La même semaine, la Coalition avenir Québec avait lancé un « ultimatum » à la ministre de l'Environnement, lui demandant de présenter ses intentions réglementaires en matière de sols contaminés avant la fin de l'été.