L'arrestation mercredi de six élèves de 12 et 13 ans dans une école privée de Québec pour possession et distribution de pornographie juvénile doit provoquer une véritable prise de conscience sur les dangers du sextage, estime le directeur du Séminaire des Pères maristes.

L'affaire a commencé le 18 avril dernier, quand les parents de deux jeunes filles ont sollicité une rencontre avec François Sylvain, directeur de l'école située dans le quartier huppé de Sillery. Les parents ont prévenu le directeur : leurs filles avaient fourni à un ou des garçons une photo « intime ».

« Les filles ont transféré une photo et ç'a engendré par la suite d'autres demandes et d'autres transferts. L'enquête va nous dire s'il y a eu une photo ou plus », explique le directeur en entrevue.

Les photos de mineurs nus constituent de la pornographie juvénile. Et leur possession ou leur distribution, même par des mineurs, est un crime.

Cinq minutes après la rencontre, le directeur a confisqué les cellulaires de plusieurs élèves susceptibles d'être impliqués puis a appelé la police. La section exploitation sexuelle du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) a entamé une enquête.

Mercredi, six garçons de 12 et 13 ans ont été arrêtés pour possession et distribution de pornographie juvénile.

« Le dossier doit être soumis au procureur de la Couronne pour savoir si des accusations seront déposées. » - Mélissa Cliche, porte-parole du Service de police de la Ville de Québec

Depuis le début de l'enquête, les garçons suivent leurs cours dans un bâtiment contigu à celui de l'école. « Les six sont scolarisés dans un bâtiment à côté. On a engagé un enseignant pour ça. Toute leur journée se passe là. On avait mis ça en place après la dénonciation. Il n'y a aucun contact possible entre eux et les victimes », explique le directeur, François Sylvain.

Le sextage entre adolescents est une réalité méconnue qui peut avoir de graves conséquences. S'il est légal pour deux adultes consentants d'échanger des photos de nus, le même geste devient illégal chez des mineurs.

« La production, la possession ou la distribution de photos de mineurs nus constitue une infraction en matière de pornographie juvénile, explique ainsi le SPVQ dans une vidéo de sensibilisation pour les ados. Le simple fait de conserver la photo sur ton cellulaire est une infraction criminelle. Ça pourrait te suivre toute la vie. »

UNE PRATIQUE « BANALISÉE »

L'organisme Tel-jeunes est régulièrement en contact avec des adolescents qui se questionnent sur le sextage. Dans certains cas, ils ont envoyé une photo compromettante et sont victimes de chantage.

« Ce sont parfois des jeunes qui veulent séduire, veulent plaire à l'autre, sont curieux de cette pratique-là parce qu'ils la voient chez les adultes, dans les films, chez des amis. Mais il y a aussi ceux qui ressentent de la pression, qui veulent plaire à leur partenaire. Ils ont peur de passer pour des peureux, des poches », explique Hertel Huard, chef d'équipe à Tel-jeunes et LigneParents.

« C'est banalisé. Plusieurs jeunes ont l'impression que tout le monde le fait, alors que ce n'est pas le cas. Ils pensent que c'est normal, une façon normale de séduire, d'entrer en relation avec l'autre. » - Hertel Huard, chef d'équipe à Tel-jeunes et LigneParents

Les intervenants tentent de remettre les pendules à l'heure, d'expliquer ce qu'est la séduction, énumèrent les dangers associés au sextage, son illégalité chez les mineurs... Dans les cas les plus graves, ils peuvent recommander aux jeunes de contacter la police.

« La plupart des jeunes qui nous appellent se doutent qu'il y a quelque chose de risqué, de dangereux, de pas correct avec le fait d'envoyer une photo nue, explique M. Huard. Mais ils ne savent pas jusqu'à quel point ça peut être dangereux et quelles pourraient être les conséquences. Pas seulement les jeunes, les parents aussi. Les adultes souvent ne le savent pas. »

Hier, le ministre de l'Éducation, Sébastien Proulx, a parlé d'une affaire « inquiétante ». Mais il a rejeté l'idée d'interdire les cellulaires dans les écoles, comme la France s'apprête à le faire dès la rentrée prochaine.

« Ça fait partie de leur vie et de notre vie. Il faut apprendre à travailler avec ces appareils », a fait valoir le ministre, selon La Presse canadienne.