Vingt-trois accusés, dont le superprocès devait débuter dans la foulée du démantèlement d'une plantation de 2800 plants de marijuana évaluée à 3 millions de dollars il y a un an à Montréal, ont été libérés d'un coup la semaine dernière après que le juge eut statué que leur arrestation s'était faite de façon illégale et eut écarté l'essentiel de la preuve.

Devant ce revirement spectaculaire, la Couronne a annoncé qu'elle n'avait plus de preuve à offrir et les accusés ont été acquittés.

Les arrestations avaient eu lieu le 3 octobre 2016. Après avoir reçu des informations d'une source anonyme voulant qu'il y ait une plantation de marijuana dans un immeuble commercial situé au 430, boulevard Marien, à Montréal-Est, les policiers s'y sont rendus pour faire de l'observation.

L'après-midi même de leur arrivée, ils ont vu une camionnette sortir de l'immeuble et l'ont interceptée, pensant y trouver entre 300 et 500 lb de cannabis. Or, en ouvrant les portières, les policiers ont constaté que neuf personnes se trouvaient à bord du véhicule, mais ils n'ont trouvé qu'une petite quantité de cannabis et la somme de 200 $.

Quelques minutes plus tard, ils ont intercepté un autre véhicule qui sortait de l'immeuble, avec trois personnes à bord, mais toujours aucune quantité importante de marijuana.

Ce n'est qu'ensuite que les policiers ont obtenu un mandat, perquisitionné au 430, boulevard Marien et trouvé la plantation de 2800 plants, 200 kg de marijuana en vrac et saisi la somme totale de 9000 $.

Droits constitutionnels bafoués

Vingt-trois personnes devaient faire l'objet d'un procès de quatre semaines devant le juge Denis Mondor. de la Cour du Québec, du 13 novembre au 8 décembre, au centre de services judiciaires Gouin, mais deux des accusés ont présenté une requête en exclusion de la preuve, prétendant avoir été arrêtés illégalement et que leurs droits constitutionnels avaient été bafoués en vertu des articles 8 et 9 de la Charte des droits et libertés.

Des policiers ont alors notamment raconté avoir senti une odeur de marijuana à l'intérieur des véhicules et près de l'édifice. Le problème, c'est qu'une plantation légale se trouvait dans un immeuble à 100 mètres de là. L'un d'entre eux a aussi admis avoir reçu très peu d'information avant de procéder aux arrestations.

« Dans les circonstances, vu les renseignements reçus de l'informateur, les policiers avaient certainement des soupçons qu'un crime avait été commis, mais ces informations ne constituaient pas des motifs raisonnables suffisants pour procéder à l'arrestation des accusés. Ils devaient se satisfaire que l'informateur et les informations qu'il avait fournies étaient crédibles. Cela aurait dû les amener à confirmer les dires de l'informateur par une enquête pour leur permettre de transformer les soupçons en motifs raisonnables », a déclaré le juge Mondor.

Même si le magistrat a souligné la gravité des infractions et dit que les policiers n'avaient pas agi de mauvaise foi, il a qualifié les arrestations de « violations graves, ni bénignes ni techniques », et jugé que « l'atteinte produite militait en faveur de l'exclusion de la preuve ».

« Le bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales prend acte de la décision du juge et n'entend pas la porter en appel », a déclaré à La Presse le porte-parole du DPCP, Me Jean-Pascal Boucher.

La Couronne a toutefois demandé la confiscation des sommes et la destruction de la drogue saisie, ce qui sera débattu le 4 décembre prochain.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.

Courtoisie

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