L'un des quatre criminels endurcis condamnés il y a deux semaines pour avoir voulu enlever le président de la direction du Québec de la Banque Royale (RBC) avait-il élaboré un plan similaire durant les années 90 ? C'est du moins ce que peut laisser croire un ancien témoignage du célèbre braqueur Marcel Talon contre l'un des quatre hommes, Gilles Pinsonneault, alias Smiley, qui a déjà été son complice.

C'est un enquêteur des Crimes majeurs du Service de police de la Ville de Montréal qui a dépoussiéré cette affaire lors de l'enquête sur remise en liberté de deux des complices de Pinsonneault dans le complot de l'enlèvement du président de la RBC, au printemps 2013.

L'enquêteur Joël Lessard a dressé un portrait des quatre accusés qui donne froid dans le dos. Au sujet de Pinsonneault, il a rappelé qu'à l'été 1993, ce dernier, Talon et d'autres individus avaient volé un camion blindé de l'entreprise Sécur, que des policiers de la Sûreté du Québec les avaient surpris et que patrouilleurs et suspects s'étaient engagés dans une folle poursuite au cours de laquelle les voleurs avaient criblé de balles la voiture de police avec une mitraillette, sur l'autoroute 13.

Bombe humaine

Les suspects avaient tous été arrêtés. Durant le procès de Pinsonneault, en 1995, Talon avait témoigné contre lui et raconté que c'était Pinsonneault qui avait ourdi un complot pour enlever le directeur de l'entreprise Sécur et même les membres de sa famille.

« Le plan, selon M. Talon, était d'attacher le directeur à une valise avec une menotte, et que la valise soit remplie d'explosifs et que le directeur ait un dispositif d'écoute afin de s'assurer qu'il suive les consignes », a expliqué l'enquêteur Lessard.

« Pinsonneault avait su où le directeur habitait, il savait combien il avait d'enfants grâce à des filatures. Il planifiait, depuis deux mois, un vol d'une somme de 300 à 600 millions de dollars. Les suspects avaient des cagoules genre humain avec des moustaches. Elles étaient en latex. Ils avaient également volé des camions lettrés qu'ils avaient repeints », a décrit l'enquêteur Joël Lessard. Selon M. Lessard, les similitudes sont nombreuses entre ce complot évoqué par Talon et celui contre le président de la RBC éventé en 2013.

Une valise contenant des explosifs retrouvée chez l'un des suspects

Il y a deux semaines, Gilles Pinsonneault, Denis Paquette, Michel Renaud et Denis Pouliot ont été condamnés à des peines variant de quatre ans et demi à dix ans et demi pour avoir comploté l'enlèvement à Montréal du président de la direction du Québec de la RBC, Martin Thibodeau.

Les quatre hommes voulaient vraisemblablement enlever le banquier pour avoir accès à une chambre forte de la Place Ville Marie où transitent des dizaines de millions de dollars. Une valise contenant des explosifs, à la poignée de laquelle était attachée une paire de menottes, a été trouvée chez l'un des suspects. Les suspects avaient installé une caméra dirigée vers la maison de leur victime pour surveiller ses allées et venues.

La police et la poursuite n'ont toutefois jamais pu démontrer que Pinsonneault et ses trois complices voulaient menotter le président de la RBC à une mallette bourrée d'explosifs.

Notons aussi que Pinsonneault n'a jamais été accusé des actes racontés par Talon en 1995.

Il a cependant écopé d'une peine de 18 ans pour le vol de juillet 1993.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.

LES TROIS AUTRES CONDAMNÉS DU COMPLOT DE LA RBC 

MICHEL RENAUD, 67 ANS

Sa carrière criminelle a commencé en 1965. Le 16 février 1979, Michel Renaud et son frère Pierre ont fait feu sur des policiers, tuant l'un d'eux, à la suite d'un cambriolage à Mont-Royal. Ils ont été arrêtés à l'extérieur du pays, mais, lors de leur transport vers le palais de justice de Montréal pour leur enquête préliminaire, ils se sont évadés du fourgon cellulaire. Pierre a été tué alors qu'il tentait de franchir la frontière américaine. Michel a ensuite été acquitté lors de son procès. À la suite de son arrestation en juin 2013, Michel Renaud a dit aux policiers qu'il était travailleur autonome.

DENIS POULIOT, ALIAS JOKER, 56 ANS

Sa carrière criminelle a commencé en 1982. Il a des antécédents d'introduction avec effraction, de voies de fait contre un agent de la paix, de méfait, de conduite avec les facultés affaiblies et de meurtre au second degré (non prémédité). Il a été arrêté, jugé et condamné pour avoir participé au meurtre de Roger Brissette, ancien tueur à gages du clan Dubois, commis le 16 décembre 1992. Il a été libéré en avril 2010 sous la condition, notamment, de ne pas rencontrer des individus ayant un casier judiciaire, mais il a été vu souvent avec Michel Renaud, Denis Paquette et Gilles Pinsonneault durant l'enquête visant à déjouer le complot contre le président de la RBC.

DENIS PAQUETTE, 67 ANS

Sa carrière criminelle a commencé en 1968. Le 16 janvier 1989, lors d'un vol qualifié dans une caisse populaire du quartier Saint-Henri, il est entré avec un bas de nylon sur la tête et un fusil de calibre 12 au canon scié. Il a menacé une employée enceinte, exigeant des autres caissières qu'elles lui donnent l'argent. Les policiers l'attendaient à l'extérieur et l'ont sommé de se rendre. Il a plutôt pointé son arme vers eux et a été atteint de deux projectiles à la tête, dont l'un serait toujours incrusté dans son crâne.

photo archives La Presse

Denis Paquette

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Michel Renaud