Le portrait du crime lié à la drogue change au pays: si le taux d'infractions visant le cannabis et la cocaïne a baissé ces dernières années, celui des drogues de synthèse, dont le dangereux «crystal meth», a augmenté, selon les plus récents chiffres de Statistique Canada.

En ce qui concerne le cannabis, le taux d'infractions rapportées par la police mettant en cause cette drogue a fléchi de 15 % entre 2014 et 2015. Il s'agit d'une quatrième baisse annuelle consécutive.

Le taux d'infractions rapportées liées à la cocaïne a aussi chuté de 7 pour cent depuis 2014.

En revanche, les taux d'infractions de possession, de trafic ou de production de «crystal meth» étaient en hausse de 25 %. Statistique Canada a également observé une croissance du taux lié à l'ecstasy (7 pour cent) et aux autres drogues, telles que les médicaments d'ordonnance, le LSD et les «drogues du viol» (6 pour cent).

L'expression «drogues de synthèse» désigne des molécules chimiques concoctées en laboratoire, comme l'ecstasy et le fentanyl, par opposition aux substances qui proviennent de la nature, comme le cannabis.

Le professeur Jean-Sébastien Fallu, professeur à l'École de psychoéducation de l'Université de Montréal, spécialisé en toxicomanie, a toutefois exprimé un doute sur le taux d'infractions calculé par Statistique Canada sur le «crystal meth» - une hausse de 25 %. Il est d'avis que la consommation du crystal meth est quand même limitée et croit que la statistique vise vraisemblablement plus la catégorie globale des métamphétamines, qui inclut le «crystal meth». Contactée de nouveau à ce sujet, Statistique Canada a toutefois confirmé sa donnée initiale.

Malgré la baisse des taux en ce qui concerne le cannabis, le nombre total d'affaires criminelles l'impliquant demeure élevé. En 2015, la police a déclaré quelque 96 000 infractions à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS). La moitié de ces infractions (51 %) concernait des cas de possession de cannabis, alors que 9 % des affaires étaient liées au trafic, à la production ou à la distribution de cannabis.

La cocaïne arrivait en deuxième place sur le total des crimes liés aux drogues en 2015, soit 16 % de ce type d'infractions, et les autres drogues comptaient pour 23 %.

Le professeur Fallu n'est pas surpris de la statistique selon laquelle le taux d'infractions liées au cannabis est en baisse.

«Il y a quand même une transformation sociale dans les valeurs, les normes, par rapport au cannabis, avec tout le discours sur la légalisation», explique-t-il.

Son usage devient plus accepté socialement et les corps policiers suivent la tendance et se servent de leur pouvoir discrétionnaire pour ne pas distribuer à tout vent les accusations, avance-t-il.

Les policiers se font aussi dire par les juges de cesser d'embourber le système judiciaire avec les «petits cas de possession», ajoute-t-il.

Il est plus étonné de constater une baisse des crimes rapportés en ce qui concerne la cocaïne, car il semble y avoir une recrudescence au niveau de la consommation de cette substance, constate-t-il.

Mais il tient à souligner un fait important: les données de Statistique Canada font état des crimes rapportés par la police, et non la consommation «réelle» de chaque substance. Il y a quand même une certaine corrélation entre la consommation et les crimes rapportés, précise le professeur.

«Ces données-là reflètent aussi les priorités des corps policiers», dit-il.

Statistique Canada prévient aussi qu'il est possible que les tendances des infractions relatives aux drogues déclarées par la police au Canada soient liées à la variation des politiques, des pratiques et des ressources disponibles parmi les différents services de police et au fil du temps.

Par exemple, si un service de police décide de cibler des infractions liées à une drogue en particulier, il se peut qu'il découvre un plus grand nombre d'affaires criminelles en lien avec cette substance illicite, sans que cela représente une augmentation du nombre réel d'affaires qui surviennent, avise l'agence fédérale dans son bulletin de statistiques.

À ce sujet, M. Fallu souligne qu'on a beaucoup parlé ces dernières années des drogues de synthèse et des médicaments d'ordonnances consommés dans un contexte autre que médical, et que cela peut avoir influencé les actions des policiers.

Pour expliquer l'augmentation des taux en ce qui concerne les drogues de synthèse, M. Fallu avance aussi qu'il y a désormais plus de laboratoires clandestins au pays. Selon les rapports des Nations unies, le Canada est devenu un gros producteur de drogues de synthèse.

«Le Canada est passé d'importateur à pays producteur-exportateur», ce qui peut expliquer le plus grand nombre d'infractions en ce qui concerne la production et le trafic dans cette catégorie, explique le professeur qui est aussi directeur de la revue internationale sur les toxicomanies «Drogues, santé et société».