Déjà fort occupées à enquêter sur les menaces terroristes ou à contrer l'attrait du djihad chez les Canadiens, pas moins de quatre organisations provinciales et fédérales ont dû consacrer temps, ressources et argent pour faire des recherches sur une attaque imminente qui s'est finalement révélée... être un canular.

«L'islam menaces [sic] de détruire le pont Champlain», titrait, le 13 janvier, le blogue vrais66.com, qui consacre plusieurs de ses entrées à la «menace de l'islam» au Québec. La nouvelle - qui était en fait une reproduction mot pour mot d'un texte paru plus d'un an plus tôt sur un site satirique montréalais - donnait froid dans le dos.

«L'État islamique serait prêt à s'attaquer à plusieurs cibles canadiennes si l'intervention des Forces armées Canadiennes en Irak et en Syrie n'est pas immédiatement annulée», était-il écrit sur le blogue, où l'on citait la chaîne Al-Jazeera et, même, une entrevue avec le maire de Montréal, Denis Coderre.

Mises au courant des informations relayées sur le blogue, à savoir d'éventuelles attaques visant la tour du CN de Toronto ou encore le métro de Montréal, les autorités du pays n'ont eu d'autre choix que de prendre la nouvelle au sérieux.

La Gendarmerie royale du Canada (GRC), le Service de police de la Ville de Montréal, la Direction de l'évaluation du renseignement de sûreté de Transports Canada et le ministère québécois de la Sécurité publique ont tous été mis à contribution, a appris La Presse, par le truchement d'une demande d'accès à l'information.

Tour à tour, ils ont «effectué des vérifications», évalué les menaces et vérifié la sécurité du système de transport canadien et de ses infrastructures. Ils ont finalement conclu que «les menaces provenant de cet article ne sont pas fondées» et que «les références à Al-Jazeera et les commentaires du maire de Montréal ne sont pas corroborés».

Aucun risque à prendre

«C'est la théorie du: "Je n'ai pas le choix, je ne peux pas prendre de chance. Je vais faire certaines démarches pour être certain qu'il n'y a rien."», a expliqué hier Dave Charland, ex-agent au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), qui estime que «neuf informations sur dix ne mènent à rien».

En clair, même si une nouvelle semble peu probable, ou carrément farfelue, aucun enquêteur ne veut courir le risque de ne pas la prendre au sérieux, au cas où elle se confirmerait.

Selon M. Charland, la GRC reçoit «plusieurs fois par jour» de fausses alertes. «C'est malheureusement fréquent, et ça accapare une partie importante du travail. Je dirais 10 à 15% du temps des enquêteurs de la GRC, a-t-il estimé. Les organisations doivent en tenir compte dans leur planification. C'est très demandant, en termes de temps et de ressources», a-t-il aussi déclaré.

Difficile de quantifier les efforts qui ont été déployés pour écarter toute possibilité de menace après la parution de l'article du blogue vrais66.com, qui est alimenté par un certain Serge Carmel-Bourget. Chose certaine, le texte, publié quelques jours après les attentats terroristes contre Charlie Hebdo, a été remarqué par les autorités. Sa version originale, publiée plus d'un an plus tôt sur un site satirique montréalais, a été partagée 20 700 fois sur Facebook.

- Avec William Leclerc