Un acteur important de l'industrie canadienne du vin affirme que le gouvernement fédéral connaissait et tolérait l'arrangement qui permettait à une entreprise de Kahnawake d'importer des conteneurs de vin en vrac, dans le cadre de ce que la police de Montréal considère comme la plus importante opération de contrebande d'alcool de l'histoire québécoise contemporaine.

«Tout ce que nous avons fait, c'est acheter du vin légalement, et le vendre à la First Nations Winery sous la loi d'accise fédérale. Nous avions un permis, et eux aussi en avaient un, nous l'avons confirmé avec les autorités», a expliqué hier J. Murray Souter, président de Diamond Estates, l'une des entreprises ontariennes qui a approvisionné les suspects.

Une douzaine de personnes ont été arrêtées cette semaine pour avoir participé à la vente d'environ 1,8 million de bouteilles de vin illégales.

Pour contourner la vigilance des autorités, le réseau avait pris des arrangements avec d'autres entreprises pour qu'elles importent des conteneurs de vin en vrac à sa place. Les conteneurs étaient ensuite ramenés à Kahnawake pour l'embouteillage et la vente.

L'enquête policière a mené à un affrontement en règle entre le SPVM et les procureurs québécois du Directeur des poursuites criminelles et pénales, d'une part, et l'Agence du revenu du Canada et les avocats du ministère fédéral de la Justice, d'autre part.

La police avait obtenu une ordonnance judiciaire ordonnant à l'Agence du revenu de transmettre les informations qu'elle détenait sur les entreprises visées, en lien avec la loi d'accise, une taxe sur l'alcool. L'Agence a refusé, notamment parce qu'elle prétend que seule la GRC peut lui demander de telles informations en cours d'enquête. Une avocate du ministère fédéral de la Justice a plaidé que la protection des suspects contre la police de Montréal dans cette affaire est «une question d'intérêt national».

Selon de nouveaux documents judiciaires du SPVM rendus publics à la suite des représentations des avocats de La Presse, les policiers qui épiaient les conversations des suspects ont entendu leur comptable, Liette Labbée, parler de ses conversations avec «la dame de la taxe d'accise», de formulaires à compléter et de sommes à verser au gouvernement.

Des entreprises réagissent

Par ailleurs, deux employés d'entreprises légales qui ont été arrêtés dans la frappe policière ont été retirés de leurs fonctions par leur employeur, a-t-on appris hier. Marshall Murray, ancien président de Diamond Estates, a été remercié de ses services il y a un an, affirme le nouveau président J. Murray Souter. Ce dernier ajoute que son entreprise a cessé de faire affaire avec la First Nations Winery dès qu'elle a été informée de l'enquête policière.

Le Groupe Versay, une entreprise montréalaise qui a popularisé une technique de service de vin en fût dans les restaurants, a quant à lui suspendu un de ses oenologues, Zaché Audette-Hall, qui a lui aussi été arrêté pour ses liens avec le réseau.

- Avec la collaboration de Daniel Renaud