La Sûreté du Québec croit avoir découvert une organisation criminelle tapie dans l'ombre qui alimenterait des usines de transformation de la viande de la périphérie montréalaise en travailleurs au noir, recrutés parmi des clientèles vulnérables pour accomplir à faible coût des travaux particulièrement pénibles.

Une centaine de policiers ont participé hier à des perquisitions dans le cadre de cette enquête toujours en cours. Les agents ont notamment fait irruption dans l'une des plus importantes fabriques de souvlakis québécoise, l'usine des produits Skoulakis et Marc Angelo, à Saint-Eustache.

«Ces perquisitions visent une organisation criminelle qui frauderait le gouvernement par l'entremise d'un stratagème dans le domaine des agences de placement de personnel», a précisé la SQ dans un communiqué.

Jusqu'à une centaine de travailleurs

Selon nos informations, le stratagème aurait impliqué jusqu'à une centaine de travailleurs recrutés par une agence pour travailler dans des entreprises de transformation alimentaire sans que l'impôt, les taxes et autres frais obligatoires soient prélevés. Certains auraient été payés tout en étant prestataires de l'aide sociale. Plusieurs seraient des immigrants de première génération qui peinaient à trouver un emploi sur le marché du travail.

Aucune arrestation n'a eu lieu hier, mais une quinzaine d'individus devaient être interrogés.

Une perquisition a aussi été menée dans un appartement de Laval occupé par Cherif Meliani, fondateur de l'agence de placement du même nom. Joint au téléphone, celui-ci a dit avoir fermé boutique. «Moi, j'ai vendu. Je n'existe plus. C'est fermé, j'ai déclaré faillite», a-t-il dit avant de mettre fin abruptement à la conversation.

La direction de l'usine Skoulakis n'a pas rappelé La Presse. Dans un reportage de The Gazette publié en 1995, ses propriétaires disaient avoir du mal à conserver leurs employés et avouaient qu'ils s'efforçaient de tuer dans l'oeuf toute tentative de syndicalisation.

L'entreprise employait alors une soixantaine de travailleurs, majoritairement des immigrants roumains et turcs, qui travaillaient au salaire minimum dans des salles réfrigérées sans fenêtres pendant de longs quarts de travail qui pouvaient se terminer à 22h, selon l'article.

Travail pénible

Sans connaître la situation chez Skoulakis, le vice-président de la Fédération du commerce de la CSN, David Bergeron, reconnaît que les propriétaires d'abattoirs et d'usines de transformation de viande font souvent appel aux agences de placement.

«Ils font affaire avec ces agences, car c'est vrai que c'est difficile d'embaucher. Le travail est pénible, ce ne sont pas des emplois populaires», explique-t-il.

Des employés payés au noir pourraient ne pas être protégés en cas d'accident de travail alors qu'il s'agit d'un risque bien présent dans l'industrie, souligne David Bergeron. «Ce sont des emplois physiques, répétitifs, dans un milieu de travail humide, froid, avec planchers glissants. Il y a beaucoup de troubles musculo-squelettiques et de tendinites.»