Le Hells Angels Éric Bouffard, qui a plaidé coupable hier dans les mégaprocès SharQc, a passé accidentellement, alors qu'il était sous écoute policière, un appel téléphonique qui n'a pas aidé sa cause.

Un interdit de publication nous empêche de donner les détails de l'implication du motard dans l'enquête SharQc, mais ce coup de fil et d'autres détails ont été déposés en cour en 2010, dans un dossier de recyclage des produits de la criminalité pour lequel Éric Bouffard a aussi admis sa culpabilité à un chef de complot hier.

Alors qu'il était sous écoute dans l'enquête Diversion amorcée en 2007 par la Sûreté du Québec, le motard a accidentellement composé le numéro de téléphone d'un Hells Angels de la Colombie-Britannique. Lorsque ce dernier répond, on entend Éric Bouffard dire, en sourdine, à une tierce personne, « qu'il a vendu de la drogue toute sa vie ».

Éric Bouffard a passé cet appel malencontreux le matin du 12 février 2009, au moment où le SPVM effectuait une importante frappe baptisée Axe. Il était levé et s'attendait « à voir la porte tomber », pensant que la police le visait, car « il y avait eu du coulage dans le dossier », a témoigné un enquêteur à l'enquête sur cautionnement.

PHOTO PRÉSENTÉE À LA COUR

Le motard possédait dans sa résidence un bar et une cave à vin qui en auraient rendu plus d'un jaloux.

Système complexe

Dans l'enquête Diversion, les enquêteurs ont passé au crible la progression fulgurante du patrimoine d'Éric Bouffard à la suite de sa libération, au milieu des années 2000. Selon la preuve exposée, le motard a fait appel à des prête-noms et facilitateurs pour blanchir son argent sale, et a créé une fiducie, aux noms d'une proche, d'une enseignante et d'un chirurgien-dentiste, pour acquérir des actifs en immeubles, véhicules et biens de luxe d'une valeur de plus de 2 millions de dollars.

Bouffard et ses complices ont multiplié les comptes de banques, prêts et transactions, créé des entreprises qui agissaient comme des vases communicants et fait des fausses factures dans le but de masquer le plus possible les transactions.

À la tête de l'une de ses entreprises, Éric Bouffard avait placé une proche qui ignorait visiblement tout de sa propre boîte, selon l'écoute électronique. Dans une conversation, cette proche se plaint en effet à une employée de ne pas avoir été invitée au party de Noël de son entreprise. Dans d'autres, elle compose le 411 et appelle Éric Bouffard pour obtenir le numéro de téléphone et l'adresse de l'entreprise.

Après son plaidoyer hier, sa maison de Saint-Mathias-sur-Richelieu a été confisquée, mais trois immeubles lui ont été remis. Il a également perdu l'une de ses deux motos. Quant à ses bouteilles de grande valeur, leur sort sera déterminé le mois prochain. « À moins que le vin ait tourné depuis », a lancé le juge André Vincent de la Cour supérieure. « Pour la SAQ, cela ne devrait pas être un problème », a répondu, sourire en coin, l'avocat du motard, Me Marc Labelle, faisant référence à certains articles qui secouent la Société des alcools par les temps qui courent.

PHOTO PRÉSENTÉE À LA COUR

Eric Bouffard n'est pas qu'un passionné de moto. Il est aussi un passionné de hockey et du Canadien de Montréal comme le démontre cette photo prise par la police.

Éric Bouffard, 49 ans

• 1991 : Membre des Condors de Saint-Hubert

• 1993 : Membre des Evil Ones de la Rive-Sud

• 1997 : Prospect des Hells Angels

• 1998 : Membre de la section South des Hells Angels

Il a fait les manchettes en 2008 pour avoir été impliqué dans l'équipe des Chiefs de Saint-Hyacinthe, de la Ligue nord-américaine de hockey.

Antécédents de trafic de stupéfiants, complot, prêt usuraire et recel.

Condamné hier à 12 ans et 7 mois de pénitencier pour les dossiers SharQc et Diversion. En soustrayant la détention préventive, il lui reste 9 mois à purger.