Chaque nuit, le petit Adam Bouzid, 7 ans, se lève vers 3h. Il le fait depuis presque toujours pour faire un câlin à son père qui rentre chaque nuit à cette heure après son quart de travail comme chauffeur de taxi.

Sauf que depuis le 20 novembre, Adam l'attend vainement. Ziad Bouzid ne rentre plus à la maison.

La scène déchire chaque fois le coeur de Samia Ali Messaoud, la veuve du chauffeur de taxi que Michel Duchaussoy est accusé d'avoir abattu sans motif réel.

En plus d'Adam, qui souffre d'autisme, Ziad Bouzid était père d'un garçon de 11 ans et d'une fille de 18 ans.

Quatre mois après le meurtre, la famille tente de reprendre sa vie. Samia Ali Messaoud a repris son travail de surveillante du dîner dans une école primaire, après deux mois de pause. Mais ce n'est pas facile.

«On a du mal à se réunir à table pour manger. On voit chaque jour la chaise vide. C'est la chose la plus simple au monde, dans une famille normale, manger ensemble. On en est incapables», raconte la mère de famille.

Le petit Adam a toujours du mal à comprendre que son père, décrit comme souriant et paisible par ses proches, n'est plus.

Pendant longtemps, il a cru que son père allait rentrer du travail. Puis quand sa mère lui a dit «qu'il est au ciel», il a cru qu'il était parti en voyage, en avion. La réalité commence à l'atteindre, douloureusement.

«Je veux qu'il soit ici avec nous», dit-il à sa maman.

Les 78 000$ amassés par les chauffeurs de taxi montréalais, l'entreprise Diamond et les citoyens touchés par le drame ont permis à la famille de ne pas voir s'ajouter à la douleur du deuil celle de la chute dans la pauvreté.

Mais ce n'est que temporaire.

«J'avais dû arrêter les soins pour Adam, qui étaient au privé. J'ai pu reprendre après deux mois. J'avais un petit travail, parce qu'avec un fils autiste, tout mon temps était pris pour lui. Je vais devoir en trouver un meilleur. Mon mari me disait: «Je travaille fort, prends soin des enfants.» Il était le pourvoyeur de la famille», raconte-t-elle.

Tous deux sont ingénieurs en électrotechnique, formés dans leur Algérie natale.

«On a frappé à toutes les portes, on n'a jamais pu travailler comme ingénieurs. Il a décidé de conduire un taxi, il n'avait pas le choix», raconte la mère.

Un boulot qu'elle haïssait. La nuit, dit-elle, c'est dangereux. Et peu d'emplois sont disponibles de jour dans ce milieu pour les chauffeurs qui ne sont pas propriétaires de leur voiture.

«Nous sommes restés ici malgré tout, pour avoir une meilleure qualité de vie, pour les enfants et leurs études. En 2001, quand nous sommes partis, ce n'était pas facile, en Algérie», dit Samia Ali Messaoud.

Ils ne croyaient pas vivre pareille violence au Québec.

«Je souhaite maintenant que justice soit faite. Un homme ne peut enlever la vie d'un autre parce qu'il est fâché. Nous ne sommes pas dans la jungle. Il n'a pas tué que mon mari. Il nous a tous tués ensemble, toute la famille. Dans un pays qui n'est pas le nôtre, la famille, c'est tout.»