L'Unité permanente anticorruption (UPAC) croit que des entrepreneurs auraient détourné les matériaux d'un important chantier de l'Agence métropolitaine de transport (AMT) pour rénover la maison de Suzanne Bibeau, soeur du grand argentier du Parti libéral du Québec, Marc Bibeau.

Des dalles de béton préfabriquées de 8 pieds par 8 pieds et dix pouces d'épaisseur auraient été utilisées pour construire un grand patio de 180 mètres carrés autour de la piscine de Suzanne Bibeau, derrière sa luxueuse résidence de la rue les Érables, à Laval.

Ces allégations, qui n'ont pas été prouvées en cour, sont contenues dans une déclaration assermentée d'un enquêteur de l'UPAC, qui était frappée d'un interdit de publication jusqu'à ce matin. L'interdit a été levé à la demande de plusieurs médias, dont La Presse.

Le policier, assigné au projet « Modestie », dit avoir des motifs raisonnables de croire qu'un complot et une fraude ont été commis en lien avec un contrat de 30 millions octroyé en 2011 par l'AMT pour la construction d'une structure de protection de la voie ferrée à Le Gardeur, sur la ligne du train de l'Est.

Le contrat avait été octroyé à Construction Garnier, qui s'est adjoint les services de deux entreprises de la famille Bibeau, Shockbéton et sa filiale Saramac, comme sous-traitant. Celles-ci devaient fournir les dalles de béton préfabriquées pour le projet, mais certaines des dalles se seraient retrouvées à la résidence de Mme Bibeau, où l'UPAC a perquisitionné le 10 décembre dernier.

Des perquisitions avaient aussi été menées dans ce dossier chez les entreprises de la famille Bibeau et chez Construction Garnier en novembre.

Le policier dit avoir des motifs raisonnables de croire qu'un « détournement de matériaux » prévus pour le contrat de l'AMT a eu lieu et que ce détournement est le fruit d'un complot. Il précise qu'il tire cette déduction notamment en raison des liens de la famille Bibeau avec des personnes ou des organismes dont les noms sont tenus confidentiels pour l'instant.

En entrevue à La Presse en décembre, Marc Bibeau avait défendu la réputation de l'empire familial.

«Je peux vous assurer que nos entreprises se sont conformées aux demandes des policiers et que des documents ont été remis démontrant qu'aucune fraude n'a été commise, et que d'aucune façon l'AMT n'a été lésée dans ses droits», insistait-il, sans toutefois pouvoir préciser pourquoi la police s'intéressait à la maison de sa soeur.

La Presse avait exposé en détail en 2010 les liens étroits entre monsieur Bibeau et le premier ministre de l'époque de Jean Charest. Des libéraux proches de M. Charest avaient déjà dit que seul M. Bibeau pouvait prétendre au titre de «responsable du financement» au PLQ. 

Devant la commission Charbonneau, l'entrepreneur Lino Zambito a aussi témoigné sous serment que Marc Bibeau lui a toujours été présenté comme «le grand argentier du Parti libéral» et «le grand boss du financement du Parti libéral du Québec».