Le meurtre de Roger Breton, commis à Québec en janvier 1985, sera réexaminé avec «les yeux et les moyens d'aujourd'hui». C'est ce que François Moisan, porte-parole du Service de police de la Ville de Québec, a indiqué à La Presse, hier. Un examen qui serait fait dans les prochains mois, voire les prochaines semaines, selon M. Moisan, qui affirme s'être entretenu avec la division des enquêtes à ce sujet.

L'évolution des techniques d'enquête, notamment l'ADN, pourrait-elle permettre d'élucider ce crime pour lequel deux hommes avaient été accusés, puis libérés, il y a près de 30 ans? C'est une possibilité, mais M. Moisan n'a pas voulu s'avancer. Il ne peut dire si les éléments de la scène de crime ont été conservés. Même s'il le savait, il ne pourrait en parler, a-t-il soutenu. «On ne peut rien dire tant qu'un dossier n'est pas fermé, a-t-il résumé.

Celui de Roger Breton est «ouvert» depuis 28 ans.

Étouffé

M. Breton, un électricien de 40 ans, a été trouvé mort étouffé dans son lit, dans son logement de la 2e Rue, le matin du 31 janvier 1985. Il avait une taie d'oreiller sur la tête. Ses mains étaient attachées derrière son dos et ses pieds étaient liés. Son logement était sens dessus dessous. Le vol s'imposait comme mobile du crime.

M. Breton était un homme bon, qui avait cependant un problème d'alcool, selon ses proches. Sa femme avait demandé le divorce à l'été 1984, et ils s'étaient séparés. M. Breton avait sorti des milliers de dollars de ses différents comptes de banque par la suite.

La police nageait en plein mystère jusqu'à ce qu'André Desbiens, un criminel d'habitude qui venait de se faire arrêter pour meurtre, se fasse délateur, en septembre 1985. L'homme a donné des indications sur plusieurs meurtres. Celui de Roger Breton faisait partie du lot, comme l'a rapporté La Presse il y a quelques semaines. Desbiens prétendait que le tuyau pour le vol venait de l'avocate* qui représentait M. Breton dans sa cause de divorce. Il racontait qu'il avait confié le travail (du vol) à deux «voleurs de maisons», contre une part du butin. La mort de M. Breton n'était pas prévue et résultait d'une «bad luck», s'était-il laissé dire par les voleurs.

Accusés

Camille Garneau et André Tremblay, que le délateur Desbiens désignait comme les voleurs, ont été accusés du meurtre non prémédité de M. Breton en novembre 1985. Leur enquête préliminaire s'est ouverte en décembre de la même année. Policiers et civils ont témoigné. Ensuite, André Desbiens s'est avancé à la barre et a raconté son histoire. Son témoignage a cependant été interrompu par une objection de la défense, sur la notion de «complot.»

Un an et demi plus tard, le juge a tranché ce point de droit et conclu qu'il entendrait la suite du témoignage de Desbiens. Mais à la séance suivante, le procureur de la Couronne René de la Sablonnière avait décrété un arrêt des procédures. Garneau et Tremblay avaient été libérés.

L'attente

La femme de Roger Breton, Francine Proulx, a témoigné à l'enquête préliminaire, en 1985. Elle se rappelle que par la suite, pendant un an et demi, elle se rendait régulièrement au palais de justice, pour la suite des procédures. En vain, car c'était toujours reporté. «On m'a dit de ne plus venir.» Puis, un jour, les enquêteurs lui ont annoncé que la Couronne arrêtait les procédures.

Selon ce qu'elle a compris, cette façon de faire permettait de rouvrir l'affaire plus tard, s'il y avait de nouvelles preuves. «Ils m'ont dit qu'ils manquaient de preuve et que s'ils continuaient, ils pouvaient être acquittés. Une fois acquittés, ils ne pouvaient pas être accusés plus tard dans la même cause», a-t-elle confié lorsque La Presse s'est entretenue avec elle, il y a quelque temps.

«Roger avait une maladie, il prenait un verre, mais il ne méritait pas de mourir comme ça. Personne ne mérite de mourir comme ça», a ajouté Mme Proulx lors de cet entretien.

Notons que de nombreuses empreintes avaient été recueillies dans le logement de M. Breton, mais aucune ne correspondait à l'un ou l'autre des accusés.

Du passé

Beaucoup d'eau a coulé sous le pont de Québec depuis la mort de Roger Breton. Camille Garneau et André Tremblay ont eu affaire à la justice par la suite pour d'autres délits, mais jamais pour quelque chose d'aussi grave. Ils ont 59 ans aujourd'hui.

La cause de Roger Breton est un mauvais souvenir, qui est loin derrière pour M. Garneau. «C'est fini, ça», a-t-il indiqué lorsque La Presse l'a joint.

En ce qui concerne André Tremblay, il est actuellement en attente d'une peine à Longueuil pour introductions par effraction dans des résidences.

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* L'avocate qui représentait Roger Breton dans sa cause de divorce était Michelyne St-Laurent. Elle représentait aussi André Desbiens à l'époque. Mme St-Laurent, qui est aujourd'hui députée de la Coalition avenir Québec, nie toute implication de sa part dans ce qui est arrivé à M. Breton.

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Quelques données

> Roger Breton était mort depuis trois jours quand il a été découvert.

> Roger Breton était un homme discret, qui ne faisait pas étalage de son argent, selon ses proches.

> André Bull Desbiens avait été déclaré criminel d'habitude en novembre 1963. Il est sorti de prison en novembre 1984. C'est Me Michelyne St-Laurent qui le représentait.

> Le meurtre de Roger Breton est revenu dans l'actualité parce qu'il en a été question dans les procédures d'appel d'Yves Colosse Plamondon. Ce dernier a été condamné pour trois meurtres en 1986. André Desbiens était le principal témoin à charge. La Cour d'appel a annulé le verdict récemment et ordonné un nouveau procès pour M. Plamondon.