René Balloune Charlebois a tourné au moins une vidéo d'adieu destinée à ses proches après son évasion de prison, ont indiqué plusieurs sources, hier, à La Presse. Ce testament visuel démontre hors de tout doute que le motard, qui s'est suicidé le 25 septembre près de Sorel après une cavale de deux semaines, envisageait sérieusement la possibilité que sa fuite se termine mal.

Des sources nous ont confié que Charlebois avait des idées noires depuis que sa femme l'avait quitté et avait refait sa vie. L'idée qu'il ne pourrait pas la retrouver à sa libération conditionnelle totale en 2016 lui aurait été difficile à accepter.

Mais d'autres croient cependant que l'étonnante évasion du motard alors qu'il se dirigeait vers la sortie a été motivée par «une échéance qui approchait». «Lorsque l'on connaîtra la nature de cette échéance, on aura la clé de cette affaire», nous a-t-on dit.

Informateur de la police?

Selon des informations dignes de foi, Charlebois serait devenu un informateur de la police et aurait préféré choisir sa mort plutôt que de se «faire passer» en prison. Des médias avancent que le secret du double jeu de Charlebois était sur le point d'être éventé et que c'est la raison pour laquelle il s'est suicidé.

Le motard aurait été indic pour le compte de l'ancien policier expert en motards Benoit Roberge, arrêté samedi dernier. La Sûreté du Québec, qui mène l'enquête sur Benoit Roberge, est en possession de conversations enregistrées entre l'ancien policier et le Hells Angel. Même si les téléphones intelligents entrés illégalement pullulent dans les pénitenciers, on ne peut exclure que des conversations se soient tenues par le biais d'une tierce personne, en conférence téléphonique, comme cela se fait souvent dans les pénitenciers. Dans ce cas, on ne peut écarter que cette tierce personne pourrait avoir enregistré et conservé des conversations remises aux enquêteurs.

En prison pour deux autres semaines

Benoit Roberge est revenu en cour, hier, pour annoncer qu'il changeait d'avocat. L'enquête sur sa remise en liberté, qui devait avoir lieu, a donc été reportée pour la forme au 17 octobre, afin de permettre la divulgation de la preuve à la défense. L'accusé a demandé et obtenu le droit de ne pas être présent.

Tout comme à sa première comparution, Roberge a gardé les yeux au sol, le dos voûté. Il portait les mêmes vêtements que lundi.

Cet ancien spécialiste des motards criminels à la police de Montréal est maintenant défendu par Me Gérald Soulière, un criminaliste qui a représenté plusieurs policiers dans le passé, dont Stéphanie Pilotte, la coéquipière de Jean-Loup Lapointe, lors de l'enquête publique du coroner sur la mort de Fredy Villanueva.

Roberge assumerait lui-même ses frais de défense. La Presse a vérifié auprès de la Fraternité des policiers de Montréal, du Service de police de la Ville de Montréal et de Revenu Québec. Tous trois ont indiqué qu'ils n'allaient pas débourser un sou pour défendre leur ancien employé ou membre.

Après avoir pris sa retraite de la police de Montréal plus tôt cette année, l'ex-enquêteur est devenu chef du service du renseignement à Revenu Québec. Hier, l'agence a annoncé dans un communiqué laconique qu'elle avait choisi de mettre fin à son lien d'emploi. L'ancien policier est soupçonné d'avoir vendu des renseignements aux Hells Angels. Il fait face à quatre chefs d'accusation, dont gangstérisme et abus de confiance.

Sa conjointe blanchie, mais toujours suspendue

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales a profité de la comparution de Roberge pour éclaircir la situation de la conjointe de l'accusé, une procureure de la Couronne au Bureau de lutte au crime organisé.

Me Nancy Potvin a été rencontrée par la Sûreté du Québec depuis son retour précipité de vacances en raison de l'arrestation de son conjoint. Elle est blanchie de tout soupçon, a confirmé la procureure en chef au bureau des relations publiques et de l'information du DPCP, Me Martine Bérubé.

Me Potvin a été relevée provisoirement de ses fonctions avec salaire dès samedi. Cette mesure est toujours en vigueur pour «lui permettre de reprendre le contrôle de sa vie personnelle», a indiqué Me Bérubé.

Des sources nous ont enfin indiqué que des policiers avaient été soumis au test du détecteur de mensonges, hier, dans la foulée de l'enquête qui se poursuit sur Benoit Roberge et les fuites au profit du crime organisé.

Dessin La Presse Canadienne

Benoit Roberge