Soupçonné par les justices italienne et algérienne d'être au coeur de divers scandales de pots-de-vin, l'homme d'affaires Farid Bedjaoui, qui a longtemps vécu à Montréal, risque de se faire saisir plus de 100 millions de dollars d'origine douteuse déposés dans des comptes offshore en Orient, rapporte le quotidien italien Corriere della Sera.

La justice italienne a déposé hier dans un tribunal de Milan des requêtes visant à faire saisir 123 millions de dollars déposés dans des comptes qu'elle considère comme contrôlés par M. Bedjaoui et ouverts dans des banques asiatiques.

Un mandat d'arrêt international visant M. Bedjaoui a été lancé par le tribunal italien, rapporte le Corriere della Sera. Ces deux mesures concernent un scandale de corruption en Algérie impliquant Saipem, une filiale du groupe pétrolier italien ENI.

SNC-Lavalin

Cette enquête pourrait éventuellement aider à faire la lumière sur le rôle qu'a pu jouer M. Bedjaoui dans une affaire concernant la firme d'ingénierie montréalaise SNC-Lavalin et certains de ses contrats dans le domaine des infrastructures pétrolières et gazières en Algérie.

ENI et SNC-Lavalin sont soupçonnées par la justice algérienne, dans des affaires distinctes, d'avoir versé des millions de dollars en pots-de-vin à M. Bedjaoui. Celui-ci aurait eu un rôle d'intermédiaire pour obtenir des contrats de la société pétrolière et gazière nationale d'Algérie, Sonatrach.

Éduqué à Montréal

M. Bedjaoui, neveu d'un ancien ministre algérien, est né en Algérie, mais a été éduqué à Paris, puis à Montréal.

Selon le journal italien, il est par la suite devenu un collaborateur de l'ex-ministre algérien de l'Énergie, Chakib Khelil. M. Khelil, homme politique controversé, a dû quitter son poste en 2010 à la suite d'allégations de corruption financière impliquant son ministère et plusieurs entreprises internationales faisant affaire en Algérie.

Dans la cause impliquant ENI, «plus de 100 millions de dollars» se trouveraient à Singapour dans des comptes contrôlés par M. Bedjaoui, et 23 autres millions de dollars seraient à Hong Kong, selon le Corriere della Sera. Dans cette affaire, la société italienne d'ingénierie et exploration pétrolière Saipem, filiale du géant pétrolier ENI, est soupçonnée d'avoir versé jusqu'en 2009 des pots-de-vin à la Sonatrach.

Patrimoine familial

Farid Bedjaoui, 45 ans, a immigré à Montréal il y a une vingtaine d'années, en compagnie de ses parents et de ses deux frères, Réda et Ryad. La famille arrivait de France, où elle a longtemps vécu. Les Bedjaoui y avaient acquis un appartement dans un quartier chic de Paris. Le patrimoine familial comprend aussi un yacht et une villa dans l'île espagnole de Palma de Majorque, ainsi que plusieurs propriétés au Québec.

Farid Bedjaoui a d'abord obtenu un baccalauréat en économie à l'Université de Montréal en 1992, avant d'enchaîner à HEC Montréal. Puis, il s'est lancé en affaires avec ses deux frères. Le trio a démarré Bédex Agrofood International et Mexicafé, deux firmes spécialisées dans l'import-export de produits alimentaires, mais qui semblent aujourd'hui inactives.

Au début des années 2000, Farid Bedjaoui s'est installé à Dubaï, où il a créé Ryan Asset Management FZ, société d'investissement à laquelle, dès 2003, la firme algérienne Sonatrach a confié la somme de 2 milliards de dollars. C'est aussi à Dubaï qu'est situé le siège d'OGEC, firme spécialisée dans les projets pétroliers et gaziers. Farid Bedjaoui est alors devenu l'interlocuteur incontournable entre Sonatrach et les entreprises multinationales qui veulent décrocher de juteux contrats en Algérie.

Selon les médias algériens, tandis que Farid Bedjaoui semblait passer l'essentiel de son temps dans sa propriété de 3000 m2 à Dubaï, ce sont ses deux frères Ryad et Reda qui étaient chargés d'investir au Canada une partie de sa fortune et de ses commissions.

Farid Bedjaoui