Avant de se retrouver à la rue, Chiheb Esseghaier a vécu durant plusieurs mois dans un modeste appartement du boulevard Rosemont où il a rendu ses voisins complètement fous, a appris La Presse.

L'homme accusé hier de complot terroriste aurait notamment réveillé les occupants des logements mitoyens en pleine nuit, pendant des mois, parce qu'il priait. «Il se mettait à crier comme un fou à toutes sortes d'heures», raconte Michel, un locataire dont le mur de la chambre donne directement sur l'ancien salon d'Esseghaier. «À la fin, je n'en pouvais plus.»

Il s'est d'abord plaint à son voisin, puis au concierge et au propriétaire, qui a finalement envoyé une lettre au scientifique le menaçant de le mettre à la porte s'il ne cessait pas de faire du bruit. Il a obtempéré.

«C'est un homme très religieux, très pratiquant», confie le concierge, qui a demandé que son nom ne soit pas publié. L'homme accusé de terrorisme l'a d'ailleurs démontré hier devant le juge de Toronto qui a présidé sa comparution lorsqu'il a déclaré que le Code criminel «n'est pas un livre saint». «Le Code criminel a été écrit par un ensemble de personnes qui sont imparfaites, seul le Créateur est parfait», a-t-il ajouté en s'adressant à la cour avant d'entendre les cinq chefs d'accusation pesant sur lui.

Dans l'immeuble d'une vingtaine de logements situé dans le quartier Rosemont, qui est sa dernière adresse connue, nombreux sont ceux qui se souviennent du locataire du numéro 23. Toujours poli avec les autres résidants, il adoptait toutefois des comportements bizarres et inquiétants, dit-on.

Jusqu'au mois de novembre, il partageait son logement de deux pièces avec un colocataire maghrébin. Esseghaier dormait dans le salon, l'autre, qui y habitait depuis plus longtemps, avait la chambre. Incapable de payer seul le loyer, ce dernier aurait recruté le doctorant au printemps 2012 sur le site web de petites annonces Kijiji. La vie à deux a été houleuse. Selon les voisins, le premier locataire est parti en claquant la porte parce qu'il n'arrivait plus à endurer Chiheb Esseghaier. «Ils avaient des conflits sur l'hygiène et la propreté», raconte le concierge.

Un barbecue dans son salon

Les résidants affirment aussi que l'étudiant à l'INRS serait par deux fois passé près de mettre le feu à l'immeuble. «La première fois, il avait allumé les quatre ronds du poêle pour faire sécher une chemise», raconte un voisin, qui, à l'époque, a été alerté par l'avertisseur de fumée. «Je suis allé le voir et je lui ai dit de tout éteindre. Il m'a répondu qu'il avait besoin de sa chemise pour aller à l'université.»

Peu de temps après, le scientifique aurait décidé de faire un barbecue dans son salon parce qu'il ventait trop fort dehors. «Il avait allumé les briquettes. Il y avait des flammes», dit une locataire qui habite la porte à côté.

Exaspéré par tout le tapage, le propriétaire de l'immeuble a demandé en décembre à Chiheb Esseghaier de quitter le logement. Après son départ, le concierge été forcé de faire venir un exterminateur. L'appartement était infesté de punaises.

Selon le Toronto Star, Chiheb Esseghaier aurait rencontré une personne liée à Al Qaïda avant de venir étudier au Canada à l'été 2008. C'est d'ailleurs ce qui l'aurait mis sur le radar des services de sécurité canadien.

Il était sous surveillance depuis un an lorsque de récents changements dans son comportement auraient convaincu la GRC d'agir lundi. Mais selon une source du Star, le manque de ressources pour assurer la surveillance des suspects 24 heures sur 24, 7 jours par semaine a été un facteur déterminant en ce qui concerne le moment de leur arrestation.