Un juge de la Cour du Québec ne peut pas interdire à un citoyen de porter le hijab ou tout autre vêtement religieux si sa croyance religieuse est sincère et ne porte pas atteinte à l'intérêt public, a tranché mercredi la Cour d'appel du Québec. La liberté d'expression religieuse ne « s'éteint pas à la porte d'une salle d'audience », ont conclu les juges du plus haut tribunal de la province.

La Montréalaise de confession musulmane Rania El-Alloul a ainsi obtenu raison trois ans après s'être fait interdire de témoigner par une juge de la Cour du Québec pour une banale histoire de véhicule saisi. La juge Eliana Marengo avait justifié sa décision en citant le Règlement de la Cour du Québec portant sur le code vestimentaire.

« La Cour est un espace laïc. Il n'y a aucun symbole religieux dans cette salle, ni sur les murs ni sur les personnes. Selon moi, vous n'êtes pas vêtue convenablement. Le décorum est important. [...] Les mêmes règles s'appliquent à tous, je ne vous entendrais donc pas si vous portez un foulard sur votre tête, tout comme je ne permettrais pas à une personne de comparaître devant moi en portant un chapeau ou des lunettes de soleil sur sa tête », avait déclaré la juge le 11 février 2015.

Le règlement sur le code vestimentaire de la Cour du Québec n'interdit pas aux citoyens de porter un hijab, si cette pratique résulte d'une croyance religieuse sincère, estime la Cour d'appel. « La juge a ignoré le droit de [Mme El-Alloul] à l'expression religieuse en invoquant un principe dominant et absolu de laïcité de l'État, principe qu'elle croyait à tort inscrit dans le Règlement de la Cour du Québec », indiquent les juges dans leur décision d'une trentaine de pages.

Les tribunaux québécois et canadiens demeurent des lieux où la neutralité religieuse doit prévaloir, convient la Cour d'appel. Or, cette neutralité ne permet pas pour autant d'interdire aux citoyens d'accéder à une salle d'audience en portant un signe religieux, ajoute-t-on. Des limites au port de ces signes peuvent toujours être imposées dans certaines circonstances, par exemple s'il engendre un conflit avec les droits d'une autre personne.

Selon la Cour d'appel, les juges n'ont pas besoin d'évaluer, dans la grande majorité des cas, la « sincérité » de la pratique religieuse d'une personne chaque fois que quelqu'un se présente en salle d'audience avec des vêtements bien connus comme le hijab, le col romain ou la kippa. Dans certains cas, comme pour le niqab qui peut soulever des « questions portant sur l'identification des personnes », les juges peuvent effectuer une enquête plus approfondie, ajoute le plus haut tribunal de la province.