L'homme d'affaires Lee Lalli est bel et bien lié à la mafia et l'affirmer comme l'a fait le journaliste Alain Gravel, de Radio-Canada, dans un reportage d'enquête diffusé en 2013 n'est pas de la diffamation, a tranché lundi la Cour supérieure.

La poursuite de M. Lalli à l'encontre de M. Gravel et de Radio-Canada a ainsi été rejetée. Il réclamait 300 000 $ pour une atteinte, disait-il, à son honneur, sa dignité, sa réputation, et parce que le reportage lui aurait causé des troubles, des tracas et des inconvénients. Mais selon le juge Lukasz Granosik, «la preuve de ces dommages est inexistante».

«Le Tribunal ne voit pas comment, tant aux yeux d'un citoyen ordinaire que dans la perspective de Lalli lui-même, une personne qui fréquente et s'attable avec le parrain de la mafia, transige avec les proches de la mafia et admet avoir des contacts avec la mafia, peut-elle prétendre subir des dommages lorsqu'on la qualifie comme ayant des liens avec la mafia», peut-on lire dans le jugement.

Tout au plus, le juge reconnaît que Lee Lalli puisse être «contrarié». Mais «cela ne prouve pas qu'il ait subi des dommages au-delà de ce sentiment».

En mars 2013, M. Gravel, alors journaliste et animateur à l'émission Enquête, diffuse un reportage intitulé Terrain miné par la mafia. Il y est question de la vente d'un terrain dans l'arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce dont la valeur va connaître «une hausse fulgurante» et qui est à l'origine d'un conflit entre M. Lalli et Tony Magi. Le parrain de la mafia de l'époque, Vito Rizzuto, arbitre le différend entre les deux promoteurs immobiliers.

Lee Lalli reproche au reportage de contenir des affirmations fausses : ses liens avec la mafia, mais également sa proximité avec le parti politique de l'ancien maire Gérald Tremblay, Union Montréal, ce qui lui aurait permis d'obtenir des informations privilégiées. Le juge Granosik estime toutefois juste de dire que Lee Lalli a «des liens» avec la mafia, que le parrain a fait un «arbitrage», et que l'homme est un «fervent partisan» d'Union Montréal, puisqu'il a organisé des soirées de financement.

Il ne fait pas de doute pour le tribunal que le reportage est le résultat d'un travail «rigoureux» basé notamment sur les renseignements provenant de M. Lalli lui-même. Et puisque ce dernier avait reçu un avertissement de son ami Michael Applebaum, alors maire de l'arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce (reconnu coupable de fraude), de se méfier des journalistes, il «ne peut être qualifié de source vulnérable».

Alain Gravel a proposé à plusieurs reprises à l'homme d'affaires de lui accorder une entrevue à la caméra. En réponse, le journaliste a reçu des menaces, peut-on lire dans le jugement.

La seule véritable ombre au tableau est l'utilisation d'une caméra cachée lors de la toute première rencontre avec M. Lalli, deux mois avant la diffusion du reportage. Alain Gravel et son équipe n'ont pas respecté les normes et procédures de Radio-Canada, écrit le juge Granosik, qui estime toutefois qu'il n'y a pas de faute compte tenu de l'intérêt public du reportage.