L'assemblée générale des membres du Barreau du Québec a appelé l'ordre professionnel à se désister de sa tentative de faire invalider toutes les lois du Québec en raison d'un enjeu linguistique.

Selon les informations diffusées par différents participants, 52% des avocats présents ont voté en faveur de la résolution demandant que le Barreau du Québec abandonne «en totalité» ce projet.

Environ 700 avocats participent à l'assemblée, selon le Barreau. Celle-ci se tient au centre-ville de Montréal. Elle a un pouvoir uniquement consultatif.

«Aujourd'hui, je suis fier de ma profession. Il y a de l'espoir !», a commenté l'avocat Maxime Laporte, par ailleurs président de la Société Saint-Jean-Baptiste, sur Facebook.

La réunion avait été demandée par des dizaines de membres, dont Me Laporte et François Côté, un jeune avocat qui s'est fait connaître il y a quelques années en portant plainte à l'Office québécois de la langue française contre une publicité de l'humoriste Sugar Sammy.

«Quelle victoire pour le français!», a commenté sur Twitter le professeur de droit Guillaume Rousseau, lui aussi un détracteur de la procédure.

Les barreaux (celui du Québec et celui de Montréal) allèguent dans leur procédure que les lois du Québec ne sont pas adoptées simultanément en français et en anglais à l'Assemblée nationale, comme le veut l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. Ils demandent à la Cour supérieure de déclarer ces lois invalides et d'ordonner à Québec de les adopter de nouveau, mais cette fois en respectant la Constitution.

En pratique, précise le bâtonnier du Québec Paul-Matthieu Grondin, cela impliquerait pour l'Assemblée nationale d'embaucher des jurilinguistes qui traduiraient les lois en anglais tandis qu'elles sont débattues en français, plutôt qu'après, comme c'est le cas à l'heure actuelle.

Tollé politique et juridique

L'annonce de ce recours dans La Presse le mois dernier a provoqué un tollé dans les milieux politiques et juridiques. On accuse l'ordre professionnel d'outrepasser son mandat de protéger le public en intentant un recours de nature purement politique et basé sur une disposition aux relents coloniaux qui forcerait les élus de l'Assemblée nationale à délibérer en anglais.

Le bâtonnier du Québec Paul-Matthieu Grondin affirme qu'il n'en est rien. «Je suis conscient des sensibilités qu'il peut y avoir, mais je suis convaincu qu'au final, on se dirige vers un meilleur respect de l'intention en français du législateur», a-t-il déclaré mercredi en entrevue.

Me Grondin souligne qu'il existe souvent des incohérences entre les versions anglaise et française d'un article de loi et que ces incohérences appauvrissent le droit pour l'ensemble de la population. Il n'est nullement question de forcer les élus à délibérer en anglais plutôt qu'en français, dit-il, citant l'exemple du Parlement fédéral. Enfin, «c'est en plein dans le mandat de protection du public du Barreau de s'intéresser à des questions comme celle-là, de la cohérence des lois et de la primauté du droit».

Il souligne que le dossier chemine depuis 25 ans et qu'il était temps d'agir en raison de l'inaction de Québec. Il se défend de ne pas avoir consulté les membres, puisque l'idée a elle aussi cheminé de manière transparente au sein des instances de l'ordre professionnel, dont le C.A., les barreaux de section et dans les rapports annuels.