Les détenus des établissements à sécurité maximale de Port-Cartier et de Donnacona seront confinés aujourd'hui à leur cellule. Les agents correctionnels des deux pénitenciers refuseront de faire leur travail, qu'ils jugent maintenant trop dangereux, à la suite de la décision de Service correctionnel Canada (SCC) d'abolir les brigades d'incendie locales.

La nouvelle était dans l'air depuis l'automne, mais c'est ce matin que les brigades d'incendie des deux établissements, les seuls à sécurité maximale au Québec, sont officiellement dissoutes, a appris La Presse. La mesure touche également les trois autres établissements canadiens affichant la cote de sécurité la plus élevée.

« Sérieusement, on a peur que des gens décèdent avec cette décision-là », n'hésite pas à dire le président régional du Syndicat des agents correctionnels du Canada, Frédérick Lebeau. Selon le syndicat, cette nouvelle directive met en péril la sécurité de ses membres et du personnel des établissements, mais aussi celle des détenus.

C'est que la brigade d'incendie, composée d'agents correctionnels formés, pouvait se déployer rapidement en cas de débordement. « Parce qu'il faut le dire, une émeute rime souvent avec incendie », précise M. Lebeau. Ces agents « au rôle double » avaient notamment le mandat d'intervenir « pour la recherche, le sauvetage et l'évacuation » de détenus.

Il faut que les détenus soient circonscrits avant que les pompiers municipaux puissent intervenir pour combattre un brasier. Et c'est là le problème, explique le syndicat. 

« Nos établissements accueillent les détenus les plus dangereux au pays. Le risque du désordre total ou des détenus qui n'obtempèrent pas est pas mal plus élevé. »

D'ailleurs, seuls les établissements à sécurité maximale avaient leur brigade. « Les pompiers sont les experts pour éteindre l'incendie, convient M. Lebeau. Mais nos brigades étaient plutôt les expertes pour intervenir et évacuer le détenu ou l'employé qui est aussi [dans une zone qui serait la proie des flammes, par exemple]. »

FAIBLE RISQUE

Service correctionnel Canada aurait pris la décision de mettre fin à l'existence des brigades d'incendie, implantées dans les années 80, pour des raisons « budgétaires » et parce que le risque d'incidents est « très mince », rapporte M. Lebeau. « Ça n'arrive pas tous les jours, des émeutes ou des feux importants, c'est vrai, mais ça arrive », martèle-t-il.

Les brigades internes intervenaient en moyenne six fois par année, affirme le syndicat, entre autres pour des incendies mineurs ou des menaces. M. Lebeau soutient que les coûts liés à leurs opérations étaient minimes. « Les agents ne sont pas payés plus cher parce qu'ils sont dans la brigade. [...] À Donnacona, on parle de coûts estimés à environ 10 000 $ par année pour la formation et l'équipement. »

REFUS DE TRAVAILLER

Ce matin, la centaine d'agents correctionnels en poste à Donnacona et à Port-Cartier exercera un droit de refus d'exécuter un travail dangereux en vertu du Code canadien du travail. Le syndicat estime que devant l'absence de brigade d'incendie, le seul moyen de « minimiser le risque » est de confiner les détenus à leur cellule.

La décision de trancher si la sécurité des agents correctionnels est compromise par la nouvelle mesure reviendra à Emploi et Développement social Canada, qui applique le Code canadien du travail.

Service correctionnel Canada confirme que les brigades d'incendie ont été abolies dans la dernière mise à jour du Manuel de sécurité incendie. SCC assure que la décision a été prise « à la suite de plusieurs consultations » et que le processus d'abolition a été entrepris en 2016. « La modernisation du Manuel de sécurité incendie a été faite afin d'assurer la sécurité des agents correctionnels et de nos détenus », a indiqué SCC dans un courriel.

Entre 15 et 20 agents correctionnels font partie des brigades des établissements de Port-Cartier et de Donnacona. Les deux pénitenciers emploient quelque 500 agents.