Tamara Thermitus doit quitter la tête de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), conclut un rapport commandé par la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée.

Selon l'auteure, l'ancienne sous-ministre Lise Verreault, Mme Thermitus a un style de gestion inapproprié et n'a pas ce qu'il faut pour « redresser la situation » au sein de cet organisme aux prises avec divers problèmes internes.

Le Parti québécois et la Coalition avenir Québec réclament la démission de Mme Thermitus, en qui ils n'ont plus confiance. Si elle refuse toujours de partir, elle risque d'être destituée par l'Assemblée nationale, un geste sans précédent.

Stéphanie Vallée avait donné le mandat à Mme Verreault, l'automne dernier, de faire la lumière sur la crise interne à la CDPDJ révélée par La Presse.

« Nous pouvons conclure des témoignages recueillis que le style de gestion de la présidente a tendance à créer de la résistance et de la démobilisation parmi le personnel », écrit-elle dans son rapport rendu public par Stéphanie Vallée mardi. Son style a « engendré une perte de confiance du personnel envers elle et une montée de l'hostilité à son égard ».

Toujours selon Lise Verreault, « le mécontentement est généralisé » au sujet de Mme Thermitus, en arrêt de travail depuis octobre dernier.

« La présidente, qui possède une excellente réputation en droit et de grandes compétences juridiques, ne nous a pas démontré, par ses actions depuis son entrée en fonction, qu'elle a la capacité et les compétences managériales pour réaliser ces changements importants et redresser la situation », soutient Mme Verreault.

D'après elle, Tamara Thermitus a soulevé des questions « tout à fait pertinentes et légitimes » au sujet de différentes pratiques à la CDPDJ au cours de son mandat. La présidente lui a également exposé « les difficultés qu'elle a rencontrées depuis en entrée en fonction, faute de soutien de la part de son cabinet, du manque de collaboration du vice-président à la jeunesse [Camil Picard, qui a démissionné dans la controverse plus tôt cette année], de l'absence de réponses à ses questionnements et de l'état de désorganisation de la CDPDJ ». Mme Thermitus a également reconnu son « expérience limitée » en gestion.

« De constater avec exactitude des problématiques est une chose, de les corriger en mobilisant les équipes en est une autre et s'acquiert avec de l'expérience », signale Lise Verreault. Elle recommande que « le poste à la présidence soit occupé avant tout par un gestionnaire chevronné ».

L'ex-sous-ministre relève que « des allégations soulevées contre la présidente ont souvent rapport à des comportements contraires à l'éthique, à l'utilisation d'un langage inapproprié et à l'adoption de pratiques irrespectueuses ». Elle n'entre pas dans les détails, rappelant que ces allégations font l'objet d'une enquête du Protecteur du citoyen.

« NOUS AVONS PERDU TOUTE CONFIANCE »

« À la lumière des conclusions très dures et non équivoques du rapport de Mme Verreault, nous avons perdu toute confiance en la personne de la présidente de la Commission et nous jugeons que Mme Thermitus doit démissionner dès maintenant », a réagi la porte-parole du Parti québécois en matière de justice, Véronique Hivon.

« Si elle ne démissionne pas aujourd'hui [mardi], il est de notre avis que l'Assemblée nationale va devoir retirer sa confiance à l'endroit de la présidente. L'Assemblée nationale ne peut pas tergiverser quand on a des constats aussi graves au sujet d'une institution aussi importante. » - Véronique Hivon, porte-parole du Parti québécois en matière de justice

Il pourrait y avoir un vote pour destituer Mme Thermitus à l'Assemblée nationale, qui avait approuvé sa nomination en février 2017. Ce serait du jamais-vu. Les élus se demandent comment procéder exactement, puisque la mécanique pour une telle motion de destitution n'est prévue nulle part.

Stéphanie Vallée s'est abstenue de se prononcer sur le sort de Tamara Thermitus. « Il ne m'appartient pas de prendre la décision. C'est une décision qui revient à l'Assemblée nationale. Les parlementaires doivent se pencher sur cet enjeu », a-t-elle dit. Elle a laissé entendre qu'il serait préférable d'attendre le résultat de l'enquête du Protecteur du citoyen, un argument que rejette l'opposition.

« DIFFICULTÉS ÉNORMES »

La Presse a révélé en janvier que Québec avait incité la présidente à prendre la porte, ce qu'elle a refusé de faire jusqu'à maintenant.

Pour Stéphanie Vallée, le rapport Verreault met en lumière des « difficultés énormes » à la CDPDJ qui « impliquent » Mme Thermitus, mais pas seulement elle.

Au-delà du cas de Tamara Thermitus, divers problèmes doivent être corrigés, selon Lise Verreault : 

• les délais « excessifs » de traitement des plaintes reçues par la CDPDJ ;

• l'absence d'objectifs ou la méconnaissance des objectifs de l'institution ;

• le travail en silos ;

• la confusion entre les commissaires et le personnel de la CDPDJ sur les rôles spécifiques de chacun ;

• le climat de travail difficile et la démobilisation du personnel ;

• un plan de gestion des ressources humaines déficient ;

• le long délai au gouvernement pour procéder à la nomination des commissaires et de postes de haute direction.