Le prédicateur Adil Charkaoui a été acquitté mardi d'accusations de voies de fait et d'agression armée à la cour municipale de Montréal, deux ans après une altercation en marge d'un match de soccer.

Il était accusé d'avoir poussé un agent de sécurité du collège de Maisonneuve et d'avoir refermé une porte sur lui, en 2016. La porte constituait l'« arme » en question.

Mardi après-midi, la juge Guylaine Lavigne a souligné le manque de fiabilité de l'ensemble des témoignages rendus par les témoins et les protagonistes de l'altercation. Or, c'est à la Couronne de prouver la culpabilité de l'accusé.

Le témoignage de l'agent de sécurité, qui disait avoir été bousculé par Adil Charkoui et l'avoir vu adopter une position de combat, « n'a pas la fiabilité nécessaire » pour prouver hors de tout doute raisonnable les faits, a-t-elle continué.

« Il y a probablement eu des voies de fait sur la personne de [l'agent de sécurité] le soir du 21 février 2016 et possiblement à l'aide d'une porte, a affirmé la juge Lavigne. Mais la confusion des témoignages soumis et le peu de fiabilité laissent le tribunal devant une situation où il est impossible de retenir l'une des versions au détriment de l'autre. »

La juge Lavigne a notamment souligné le « caractère évolutif » du témoignage de l'agent de sécurité, qui ajoutait des détails « de jour en jour » lorsqu'il relatait les événements.

Selon les jeunes hommes qui ont témoigné pour la défense de M. Charkaoui, l'employé du collège de Maisonneuve les avait provoqués en se moquant de leur talent de joueurs et en affirmant qu'il lui importait peu d'être blessé parce qu'il serait indemnisé par la CSST.

Adil Charkoui a toujours assuré qu'il avait réagi calmement face à l'agent de sécurité, fermant la porte uniquement pour éviter que le ballon ne sorte du gymnase.

L'agent de sécurité n'a pas été blessé ce jour-là.

« Justice a été rendue »

Tout au long de la lecture du jugement par la juge Lavigne, le prédicateur hochait la tête lorsqu'elle rapportait les propos de témoins favorables et la secouait en entendant les propos de l'agent de sécurité.

En sortant de la salle d'audience, Adil Charkaoui s'est d'abord rapidement agenouillé sur le sol, adoptant une position de prière. Un jeune homme qui l'accompagnait a crié « Allah Akbar ».

Par la suite, l'accusé tout juste acquitté s'est dit satisfait de la décision, blâmant les médias pour « la chasse aux sorcières » dont il se dit victime. Certains d'entre eux « instrumentalisent la haine générée par la Charte [des valeurs] » et s'acharnent sur lui, a-t-il dit.

« J'ai été acquitté, c'est une bonne décision. Deux ans que ça a traîné. Ça a affecté ma réputation et le tribunal vient de me donner encore une fois raison, a-t-il dit. Justice a été rendue. »

Sur le fond de l'affaire, il a réitéré avoir « fait de [son] mieux » pour dénouer une situation qui s'envenimait entre de jeunes joueurs de soccer et l'agent de sécurité du collège de Maisonneuve. Ce dernier « provoquait les jeunes », a dit Adil Charkaoui. « Je ne pouvais pas laisser les choses dégénérer. »

Le procureur de la Couronne n'a pas immédiatement rappelé La Presse.

Départs pour la Syrie

La présence d'Adil Charkaoui entre les murs du collège de Maisonneuve en 2016 constituait un retour pour le prédicateur puisqu'il y tenait son « École des compagnons » pour jeunes musulmans jusqu'à l'année précédente.

Le cégep avait suspendu le contrat de location de M. Charkaoui le 26 février 2015 après qu'il eut été révélé qu'au moins deux des six jeunes Montréalais partis pour la Syrie le mois précédent avaient des liens avec le prédicateur. La direction de l'établissement avait aussi trouvé « une vidéo qui faisait la promotion de valeurs différentes des [siennes] et dans laquelle on tenait des propos inappropriés » sur le site internet du centre islamique.

La suspension avait été levée quelques semaines plus tard à cause d'« obligations contractuelles », avait expliqué une porte-parole, précisant qu'un observateur assisterait toutefois aux activités de l'École des compagnons pour s'assurer « qu'aucun propos haineux, discriminatoire ou incitant à la violence ne soit tenu dans ses locaux ». Le contrat a pris fin le 14 juin 2015. Le prédicateur n'a pas demandé de renouvellement.

Entre-temps, six autres jeunes connaissances avaient été interceptées à l'aéroport de Montréal parmi un groupe de 10 Montréalais en route pour la Syrie et le djihad. El Mahdi Jamali, une autre de ses connaissances, avait été mis derrière les barreaux. Lui et sa petite amie ont été acquittés l'an dernier de graves accusations liées au terrorisme.

- Avec Gabrielle Duchaine et Vincent Larouche, La Presse