Il y a une limite aux sensations fortes. Le Village vacances Valcartier, un grand centre de glissades près de Québec, vient de verser 75 000 $ à une cliente qui s'est fracturée la colonne vertébrale dans une descente de rafting hivernal trop mouvementée.

Le jour fatidique du 23 février 2013, Nathalie Bourgault était la deuxième personne en 24 heures à se briser un os du dos en glissant sur ces pistes enneigées.

Le centre a été condamné à l'indemniser dans un jugement qui vient d'être publié. Même si Mme Bourgault avait choisi une descente classée «très difficile», sa journée de plaisir hivernal n'aurait pas dû se transformer en catastrophe, a déterminé le juge Charles G. Grenier, de la Cour du Québec.

«On a pogné une énorme bosse. Tout le monde a levé dans le rafting. Moi, au lieu d'atterrir sur les fesses, mon dos a atterri sur le coin du dossier. Ça a fait crac», s'est souvenu la femme de Québec en entrevue avec La Presse

«Je pleurais, je criais. J'avais de la bonne douleur, j'estimais ça quasiment à 11 sur 10.»

Le radeau pneumatique a continué à descendre. Une autre bosse l'a projetée dans le fond de l'embarcation. «Tout le monde a été sonné, [...] le souffle vraiment coupé», a-t-elle rapporté.

Nathalie Bourgault a été transportée à l'hôpital en ambulance. Elle avait une vertèbre cassée, qui a dû être soudée à deux autres vertèbres au cours de deux opérations.

«J'ai eu un carcan pendant trois mois que je mettais 23 heures et demie sur 24. Ça me prenait quelqu'un pour me laver, ça me prenait quelqu'un pour m'aider à me lever, pour me coucher le soir, continue Mme Bourgault. Ç'a été l'enfer.» Elle n'a pas pu reprendre son emploi dans un service de garde.

«Une anomalie»

L'avocate de Mme Bourgault et celle du Village vacances Valcartier étaient d'accord sur l'évaluation des dommages subis, mais pas sur la responsabilité de l'entreprise. Celle-ci faisait valoir qu'elle avait pris toutes les mesures de sécurité nécessaires et que Mme Bourgault avait elle-même choisi une piste intense.

Mais le juge Grenier ne l'entendait pas de la même oreille.

L'accident «était dû à une anomalie sortant de l'ordinaire affectant la piste [...] et donc dû à une faute d'entretien commise par le Village vacances Valcartier», a-t-il écrit. Mme Bourgault n'a «en aucun cas accepté préalablement un risque de cette nature qui pouvait survenir pendant la descente».

Selon le juge, les centres de glissades ont des obligations particulièrement lourdes quant à la sécurité parce que la clientèle est «captive» du rafting, «à la merci du centre et entièrement tributaire» de son travail.

Le centre de glissades a été condamné à lui verser 68 000 $, somme à laquelle s'ajoutent intérêts et frais d'expertise.

«Hasard de la vie», dit le juge, Mme Bourgault a été hospitalisée dans la même chambre que France Boudreault, une autre cliente du même centre qui s'est aussi cassée la colonne sur la même piste, un jour pour tard. Cette seconde victime a donc pu témoigner au procès et a rapporté une expérience semblable.

Le magistrat a qualifié le court intervalle de temps entre les deux accidents de « troublant ».

«Incident exceptionnel»

«Le Village vacances Valcartier respecte le jugement de la Cour et n'a pas logé d'appel de la décision en ce sens. Nous désirons réitérer les circonstances particulières de ce dossier», a écrit Jean Pierre Turcotte, un vice-président de l'entreprise, dans un texte relayé par une firme de relations publiques.

«Il y a plus de 400 000 descentes chaque année dans le secteur rafting sur neige. Ce sont donc plus de 2 millions de descentes sécuritaires qui ont été pratiquées depuis cet incident exceptionnel, ajoutait le message. La sécurité demeure une priorité et un souci constant pour le Village vacances Valcartier.»

La firme de relations publiques n'a pas répondu à une question concernant le nombre d'incidents survenus depuis la descente fatidique de Mme Bourgault.

L'entreprise a fait les manchettes dans les derniers mois pour les intoxications aux vapeurs de chlore subies par des employés et des visiteurs de son nouveau Bora Parc, un complexe aquatique qui lui appartient aussi dans le même secteur. Des filtres empoussiérés ont été pointés du doigt.