Personne n'est au-dessus des lois, pas même le juge militaire en chef des Forces armées canadiennes. Le colonel Mario Dutil a été accusé jeudi d'avoir eu une relation inappropriée avec une subalterne et d'avoir rempli une fausse réclamation de dépenses. Le haut gradé québécois devra ainsi faire face à la justice militaire devant la même cour martiale qu'il dirige depuis 2006.

On reproche au plus haut officier de justice militaire du pays d'avoir entretenu une relation avec une employée de son service entre novembre 2014 et octobre 2015. Même si la relation était consensuelle, il s'agit d'une «conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline» en vertu de la Loi sur la défense nationale.

Le Service national des enquêtes des Forces canadiennes - une unité d'enquête indépendante de la Police militaire - a lancé une enquête en novembre 2015 après avoir reçu de l'information au sujet d'une possible relation problématique du colonel Dutil. Les enquêteurs ont ensuite découvert que le juge militaire en chef aurait rempli et signé une réclamation de dépenses contenant des erreurs, a confirmé à La Presse le major Jean-Marc Mercier, porte-parole du Bureau du grand Prévôt des Forces canadiennes.

Le colonel Dutil est ainsi accusé d'avoir «volontairement fait une fausse déclaration dans un document» et d'avoir commis un «acte de caractère frauduleux». Précisons que l'officier n'est pas accusé en vertu du Code criminel. On ignore ainsi à quel moment il devra se présenter devant une cour martiale. Les procureurs militaires peuvent toujours modifier ou ajouter des chefs d'accusation à ce stade précoce des procédures. 

« L'annonce d'aujourd'hui nous rappelle que, comme dans le système civil de justice, personne n'est au-dessus des lois. Tous les membres de Forces armées canadiennes, peu importe le grade ou le poste, demeurent assujettis au code de discipline militaire», a déclaré le commodore Geneviève Bernatchez, dans un communiqué.

La juge-avocat général de l'armée assure que le système de justice militaire a les «mécanismes appropriés pour s'occuper de cette situation exceptionnelle». Néanmoins, ces accusations entraînent des «défis uniques» pour le système de justice militaire canadien, ajoute-t-elle. «En tant que juge-avocat général responsable de superviser ce système, j'ai entièrement confiance que nous avons les processus en place pour traiter cette affaire équitablement, et en conformité avec la loi», soutient-elle.

Le colonel Mario Dutil est devenu avocat militaire en 1984 après avoir obtenu son diplôme de droit à l'Université Laval. Pendant sa carrière dans les Forces, il a travaillé comme juge-avocat adjoint en Europe et à Valcartier, puis comme avocat-conseil pour la rédaction de la Loi sur la défense nationale. Il a également plaidé devant la cour martiale comme procureur et avocat de la défense, jusqu'à sa nomination comme juge militaire en janvier 2001. Il est devenu juge militaire en chef en juin 2006.