Une femme non voyante de passage à Montréal a appris de manière abrupte que son chien-guide n'était pas le bienvenu dans un restaurant de Parc Extension.

Diane Bergeron raconte avoir été accueillie gentiment, vendredi dernier, par l'hôte à l'entrée du restaurant Lyla, rue Jean-Talon Ouest, mais qu'au moment de s'asseoir à sa table, son amie et elle ont été interceptées par une employée qui leur a signifié que le chien ne pourrait pas suivre sa maîtresse ni se coucher sous la table.

« Peu de gens le savent, mais ça nous arrive tout le temps », déplore-t-elle au téléphone.

La Loi sur les produits alimentaires prévoit pourtant que « toute personne qui accède à l'aire de service au public [où est exercée l'activité de restaurateur] peut être accompagnée d'un chien lui permettant de pallier un handicap ».

Au milieu du brouhaha de l'heure du dîner, les deux femmes ont argumenté avec l'employée, invoquant des précédents qui ont valu des amendes salées à d'autres restaurants, de même que la Charte des droits et libertés qui est claire au sujet des chiens-guides.

En guise de compromis, la serveuse a finalement proposé que l'animal attende dans le vestibule du commerce, précisant que cet espace était chauffé.

« J'étais debout au milieu de la place et personne ne disait rien pour me défendre. C'était embarrassant, humiliant », dit Diane Bergeron.

Rentrée à Ottawa quelques heures après l'incident, elle a déposé une plainte à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ).

LA LOI ET LA CHARTE

Aux yeux de la Commission, il n'y a pas de zone grise. Dans sa documentation, elle cite la Charte des droits et libertés, qui s'applique « sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur [...] le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap ». Le chien d'assistance (pour les personnes ayant un handicap moteur) et le chien-guide sont reconnus au nombre de ces « moyens » par les tribunaux, souligne la CDPDJ.

Sur son site web, la Commission rappelle notamment qu'en 2012, le Tribunal des droits de la personne a ordonné au restaurant montréalais La Caverne grecque et à un des serveurs de payer 6000 $ à une personne tétraplégique à qui on avait refusé l'entrée avec son chien d'assistance.

Dans un aide-mémoire produit à l'intention des restaurateurs à qui il délivre des permis d'exploitation, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ) mentionne aussi clairement les dispositions de la loi concernant les chiens-guides. Le respect ou non du règlement n'est toutefois pas susceptible de faire perdre un permis de restauration, les critères d'inspection étant strictement basés sur la salubrité des lieux.

L'Association des restaurateurs du Québec (ARQ) est elle aussi catégorique à ce sujet, et elle fournit régulièrement de la documentation à ses quelque 5600 membres pour les sensibiliser à cette cause. L'ARQ ne nous a toutefois pas précisé si Lyla figurait parmi ses membres.

LE RESTAURANT SE DÉFEND

Rencontrée par La Presse hier au restaurant, My Tam Phan, l'employée qui s'est opposée à Mme Bergeron, a affirmé qu'elle ignorait, au moment des faits, la loi obligeant les restaurateurs à accueillir les chiens-guides avec les personnes handicapées ou non voyantes.

« Une cliente incommodée par une allergie aux chiens a déjà dû partir en vitesse par le passé, alors nous avons décidé de ne plus les accepter », raconte My Tam Phan.

My Tam Phan assure toutefois avoir recueilli l'information nécessaire depuis et s'engage à se conformer à la loi à l'avenir.

Elle indique néanmoins qu'une salle à manger bondée, avec des serveurs qui transportent des soupes chaudes entre des tables peu espacées, n'est pas un environnement de choix pour un chien.

Bien qu'elle n'ait pas l'intention de prendre contact avec Diane Bergeron ou de lui offrir des excuses, elle assure que l'Ottavienne est la bienvenue dans son restaurant avec son chien si elle désire y manger de nouveau.

« On est loin de discriminer les gens, on veut satisfaire tout le monde », conclut-elle.

Photo Martin Chamberland, Archives La Presse

Diane Bergeron et son chien guide

Et les taxis?

Selon Diane Bergeron, il n'est pas rare qu'un taxi refuse de la faire monter vu la présence de son chien, invoquant des raisons vaseuses ou passant carrément son chemin. Pourtant, pour ces cas, l'interprétation de la loi est la même que pour les restaurants. Le Règlement sur le transport par taxi de la Ville de Montréal reprend l'article de la Charte, et le Bureau du taxi assure qu'un chauffeur qui y contrevient commet une « offense grave » passible d'une sanction allant jusqu'à une révocation de son permis pour trois mois. Depuis un peu plus d'un an, le Bureau demande également aux chauffeurs de placer en évidence dans leur voiture un code d'éthique où figure en toutes lettres leur obligation d'accepter les passagers avec un animal d'assistance.

Plaintes pour discrimination liées aux chiens guides ou d'assistance*

• 2013 : 14

• 2014 : 9

• 2015 : 19

• 2016 : 15

• 2017 : 22

• Total : 79

* Nombre de dossiers ouverts par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse dans le domaine de l'accès aux services, transports et lieux publics