Les autorités fédérales s'opposent à ce que Mohamed Harkat, qui fait l'objet d'un certificat de sécurité, obtienne un assouplissement de ses conditions de libération, notamment un accès plus large à internet et une liberté complète de mouvements au Canada.

Soupçonné d'être un agent dormant du réseau terroriste al-Qaïda, M. Harkat, d'origine algérienne, avait été arrêté en décembre 2002 à Ottawa. Libéré en juin 2006, il est soumis depuis à une surveillance étroite de l'Agence des services frontaliers du Canada. Il doit aussi respecter des conditions strictes, qu'il tente depuis jeudi de faire encore assouplir en Cour fédérale.

Le gouvernement canadien souhaite déporter M. Harkat, livreur de pizza à Ottawa, mais celui-ci nie tout lien avec le terrorisme et soutient qu'il pourrait être torturé en Algérie. En attendant la suite des procédures judiciaires, M. Harkat demande notamment que ses activités quotidiennes soient moins épiées par les agents des services frontaliers.

Or, le gouvernement canadien soutient que M. Harkat, aujourd'hui âgé de 49 ans, représente encore une menace à la sécurité nationale 15 ans après son arrestation.

M. Harkat vit avec son épouse Sophie en Outaouais. Il a déjà accès, à la maison, à un ordinateur et à internet, et il doit rencontrer toutes les deux semaines un agent des Services frontaliers. Il peut voyager au Canada, mais il doit fournir son itinéraire aux agents cinq jours à l'avance, et les appeler tous les jours.

Mohamed Harkat plaide en Cour fédérale qu'il ne représente aucune menace pour quiconque au Canada, et qu'un maintien de ses conditions de remise en liberté n'est plus justifié puisqu'il a respecté les règles depuis plus de dix ans. Le couple soutient que ces conditions lui ont causé beaucoup de stress et de souffrance, l'empêchant même de fonder une famille.

M. Harkat souhaite pouvoir utiliser à l'extérieur de la maison un téléphone cellulaire, un ordinateur portable et une tablette, avec accès à internet. Il souhaite aussi que ses liens avec les agents des Services frontaliers se limitent à un appel par mois, grâce à la vérification vocale. Il souhaite enfin que les restrictions sur ses déplacements au Canada soient éliminées.

Le gouvernement canadien est prêt à lui permettre de se déplacer en Ontario ou au Québec jusqu'à 24 heures sans prévenir, et accepterait de le rencontrer une fois par mois plutôt que deux. Ottawa s'oppose par contre à un accès internet à l'extérieur de la maison, parce que les autorités ne pourraient plus alors surveiller ses communications.

La Cour fédérale entend la requête de M. Harkat et les représentations du gouvernement jeudi et vendredi. Pendant ce temps, l'Agence des services frontaliers tente toujours d'obtenir la déportation de M. Harkat; elle prépare actuellement un «avis de danger» pour le soumettre au ministre de l'Immigration.

En 2010, le juge Simon Noël, de la Cour fédérale, avait des motifs de croire que Mohamed Harkat demeurait une menace à la sécurité nationale du Canada. Quatre ans plus tard, la Cour suprême du Canada a conclu que M. Harkat avait bénéficié d'un traitement juste lors de l'étude de son dossier par le juge Noël, et que le certificat de sécurité était approprié.

Des défenseurs des libertés civiles soutiennent que le mécanisme des certificats de sécurité est injuste parce que le détenu n'a pas accès à tout son dossier. Dans un arrêt en 2014, la Cour suprême du Canada a imposé des balises à ce processus judiciaire.