Les dirigeants de la Sûreté du Québec et des membres du cabinet du ministre de la Sécurité publique étaient des fans assidus aux matchs du Canadien de Montréal entre 2003 et 2011. Et tout le monde était invité par Bell Canada, a-t-on appris au procès pour fraude, vol et abus de confiance de l'ancien patron de la SQ, Richard Deschesnes, et des deux hauts dirigeants Steven Chabot et Alfred Tremblay.

C'est ce qu'a révélé hier un lanceur d'alerte, employé de la SQ, dont l'identité est protégée par le tribunal. Matchs de hockey dans des loges du Centre Bell, parties des Alouettes de Montréal, courses de Formule 1, tournois de golf : le témoin a été invité à de nombreux évènements sportifs par Louis Martel entre 2003 et 2011 dans le cadre de ses fonctions à la SQ. Cet ex-directeur de Bell Canada, « relativement proche » de l'état-major de la SQ, était responsable des comptes du gouvernement du Québec pour Bell Canada, selon le témoin.

Mais le témoin était rarement le seul représentant du corps policier à ces évènements. L'accusé Richard Deschesnes était souvent présent, ainsi que les directeurs généraux de l'époque Normand Proulx et Denis Fiset et l'actuel directeur général adjoint exécutif, Yves Morency, selon le témoin. Notons toutefois que M. Morency n'était pas à l'emploi de la SQ au cours de cette période. Il a joint la haute direction seulement en 2014.

Ces invitations étaient « courantes » à l'époque, a souligné le témoin pendant son contre-interrogatoire avec Me Thomas Villeneuve-Gagné. Il s'agissait d'une bonne occasion pour rencontrer des membres d'autres services de police et des représentants du gouvernement, a-t-il soulevé.

Le sous-ministre de la Sécurité publique de 2005 à 2009, Paul Girard, faisait d'ailleurs partie du nombre, a assuré le témoin. Le CSPQ est le principal donneur de contrats informatiques du gouvernement.

FONDS SECRET D'OPÉRATION

Outre Bell Canada, un important fournisseur de services de la SQ, le témoin soutient avoir déjà été invité à un match du Canadien par Ford Canada, et à un ou deux évènements par Telus. Le témoin n'a toutefois pas précisé dans quel contexte et en quelle année étaient survenues ces invitations. Ce n'est qu'en 2012 que le supérieur du témoin l'a informé qu'il n'était plus possible d'accepter les invitations des fournisseurs de la SQ.

Ce témoin-clé de la Couronne avait alerté en octobre 2012 le nouveau directeur général Mario Laprise que son prédécesseur Richard Deschesnes avait puisé dans le fonds secret d'opération pour payer des « packages » de départ à deux officiers supérieurs.

Le directeur adjoint Steven Chabot et l'inspecteur-chef Alfred Tremblay avaient reçu respectivement 167 931 $ et 79 877 $ puisé dans ce fonds confidentiel d'opération. Le témoin avait fait la découverte en 2010 au moment de l'émission des chèques.

Les relations serrées entre le cadre de Bell Canada, Louis Martel, et l'état-major de la SQ sont d'ailleurs passées au peigne fin par l'Unité permanente anticorruption (UPAC), a révélé La Presse en septembre dernier. L'UPAC enquête sur de possibles crimes d'abus de confiance et de corruption de fonctionnaires en lien avec la distribution de cadeaux à des cadres de la SQ par Bell Canada, selon un document de l'UPAC qu'avait obtenu La Presse.

Selon l'UPAC, 18 officiers, gestionnaires et membres du personnel de la SQ auraient reçu près de 20 000 $ en cadeaux et en différents avantages de la part de Louis Martel. L'ancien grand patron de la SQ, Richard Deschesnes, aurait ainsi obtenu des cadeaux entre 2008 et 2012, selon l'UPAC. Ces allégations, non prouvées devant la cour, n'ont rien à voir avec les accusations visant M. Deschesnes dans le présent procès qui se poursuit aujourd'hui.