La police de Montréal était en droit de placer sur écoute les suspects visés par une enquête sur la contrebande d'alcool à Kahnawake, et la preuve amassée de cette manière pourra donc être utilisée au procès des accusés, vient de trancher la Cour du Québec, au terme d'un débat sur les techniques d'enquête acceptables dans ce type de dossier.

Une douzaine d'accusés en attente de procès avaient tenté de faire exclure la preuve d'écoute électronique amassée dans le projet Malbec, une enquête du SPVM sur la First Nations Winery, un commerce de vin situé sur la route 138, au coeur de la réserve mohawk.

En 2015, les policiers avaient arrêté son propriétaire, Floyd Lahache, ainsi qu'un groupe de présumés complices, qui sont accusés d'avoir inondé le marché québécois de bouteilles de vin illégales en approvisionnant une vaste clientèle non autochtone à qui ils ne facturaient pas les taxes ni les tarifs réglementaires.

Les autorités prétendent que les différents ordres de gouvernement ont été frustrés de 14 millions de dollars en raison de ce commerce illicite, qui approvisionnait notamment des restaurants.

Les accusés ont notamment prétendu que d'autres moyens d'enquête moins intrusifs auraient dû être utilisés par la police avant le recours à quelque chose d'aussi sérieux que l'interception secrète des communications téléphoniques.

Arguments «géopolitiques»

Interrogé à ce sujet, un enquêteur était venu expliquer que la « complexité » du contexte géographique, culturel et politique entourant la réserve mohawk ne permet pas l'usage par les policiers de plusieurs méthodes traditionnelles d'enquête : ils ne peuvent pas, par exemple, s'introduire discrètement dans les édifices visés par leurs enquêtes ou installer des dispositifs de surveillance comme des caméras, des micros ou des systèmes GPS sans se faire immédiatement remarquer.

Le juge Stéphane Godri n'a pas retenu ces arguments, qui n'étaient appuyés par aucune preuve factuelle et s'apparentaient à des « stéréotypes », selon lui. Mais il a convenu, comme le lui suggéraient les procureurs de la Couronne, que la complexité de l'affaire et l'existence de tout un réseau de suspects justifiaient de toute façon l'usage de l'écoute électronique.

« Il est difficile de voir comment l'implication de ces différents acteurs aurait pu être établie par des mandats de perquisition, par exemple. Comment la police aurait-elle pu découvrir si les cibles qui distribuaient aux restaurants travaillaient sous les ordres des propriétaires de l'établissement vinicole ou s'ils agissaient de leur propre chef ? », écrit le magistrat dans sa décision.

« La nécessité de l'écoute électronique dans le cas présent est reliée plus spécifiquement à la nature des activités, leur ampleur et à l'accusation de complot », précise-t-il, indépendamment des arguments « géopolitiques » de l'enquêteur qui n'ont pas été retenus.

Le procès doit commencer le 19 décembre.