La journaliste Monic Néron qualifie de «disgracieux et profondément irrespectueux» les propos tenus à son égard par des policiers de Laval dans le cadre d'une enquête visant à trouver la source de fuites dans les médias.

Rappelons que dans plusieurs affidavits déposés devant des juges pour obtenir des autorisations judiciaires en 2014, les policiers de Laval ont détaillé les motifs qui auraient pu pousser le policier à parler à la journaliste du 98,5 FM. On estimait alors que le policier avait agi ainsi parce «qu'il voulait la fourrer...». «Il a pensé avec sa graine», lisait-on également dans les documents préparés par les policiers.

«Ce sont des termes dignes d'hommes du Néandertal, a commenté la journaliste Monic Néron, qui témoignait ce matin devant la Commission Chamberland. Je ne pense pas que si je m'étais appelée Patrick Lagacé, Félix Séguin ou Claude Poirier, on aurait osé écrire ça de cette façon-là.»

La journaliste, qui compte 15 années d'expérience, estime que les propos tenus par les policiers de Laval sont «déplorables pour toute la communauté policière qui respecte le travail des journalistes et qui respecte les femmes».

Elle s'inquiète pour les citoyennes qui ont affaire à ces mêmes policiers. «Tous les jours, il y a des femmes qui vont porter plainte au poste de police pour des agressions sexuelles, il y a des jeunes fugueuses qui sont interrogées par des enquêteurs, il y a des femmes qui sont victimes d'exploitation sexuelles. Comment sont-elles reçues ces femmes-là? Comment sont-elles traitées si on n'a même pas d'égard pour le travail journalistique?»

Depuis ce matin, des voix s'élèvent pour que la police de Laval présente des excuses à la journaliste. «Je pense que ce n'est pas envers moi qu'on doit s'excuser, estime Monic Néron. On doit s'excuser envers les journalistes et les journalistes femmes pour des propos aussi dégradants.»

La police de Laval a utilisé un mobile qu'elle savait infondé

Même si elle savait qu'un de ses policiers n'avait jamais eu de rapport sexuel avec une journaliste, la police de Laval a continué d'utiliser ce motif pour obtenir des autorisations judiciaires.

Devant la commission Chamberland ce matin, le sergent Hugues Goupil de la Police de Laval a reconnu qu'il a su dès le 2 février 2014 que ce n'est pas une « relation intime » qui avait poussé son policier Dominico Digenova à dévoiler des informations sensibles à la journaliste Monic Néron.

C'est en obtenant des messages textes que celui-ci avait échangés avec deux journalistes que ce motif a été écarté, a-t-il expliqué. De plus, dès le lendemain de la fuite médiatique, le policer est passé aux aveux.

Pourtant, lorsqu'il a cherché à obtenir de nouvelles autorisations judiciaires dans cette enquête criminelle, il n'a jamais cru bon d'expliquer au juge autorisateur que ce motif avait été écarté. On lit plutôt dans l'affidavit qu'on a demandé au policier visé s'il a « couché avec la journaliste ».

« Au début vous avez un mobile de nature sexuelle, que vous éliminez. Quelques jours plus tard, devant la juge, vous continuez à raconter une histoire de nature sexuelle. La juge ne peut plus savoir que ça n'existe plus. La question est : pourquoi vous laissez ça là ? Elle ne peut pas deviner », lui a demandé le juge Jacques Chamberland, qui préside la Commission.

« J'aime mieux que la juge connaisse l'histoire de A à Z », a répondu Hugues Goupil. 

La lettre d'aveux que le policier Dominico Digenova avait écrite et qui détaillait les raisons pour lesquelles il avait parlé à une journaliste n'a, elle, jamais été incluse dans les affidavits préparés par le service de police de Laval dans le cadre de cette enquête.

« La lettre d'aveux avait été faite sous le coup de l'émotion avec des enjeux majeurs, je ne pouvais pas m'y fier à 100 % », a estimé le sergent Hugues Goupil.

Celui qui a recueilli les aveux de Dominico Digenova, affirme que le policier lui a fait part des motifs qui l'avaient poussé à donner des informations aux journalistes.

« Oui il a parlé de ça aussi. [Dans les dossiers de proxénétisme], il voulait donner une voix aux victimes, il trouvait que la médiatisation était inexistante, il fallait dire aux gens qu'il fallait s'en occuper. Fallait montrer aux gens que c'est pas parce que c'est un pompier de Laval qu'on ne prend pas action », a affirmé Jean Joly, qui témoigne à son tour devant la Commission Chamberland. 

Il a également admis qu'il avait demandé à son policier s'il avait eu des rapports de nature sexuelle avec la journaliste.

« Je le connais depuis 22 ans au moment des évènements. J'ai posé plein de questions, oui j'ai demandé s'il avait eu des rapports sexuels. Pourquoi j'ai demandé ça ? Je connais le personnage, je connais bien Domenico, sa réponse a été non. Je n'ai pas posé d'autres questions pour savoir les mobiles », a-t-il affirmé ce matin.

« Auriez-vous posé la même question si le journaliste avait été un homme ? », lui a demandé ce matin l'avocat Christian Leblanc, qui représente sept médias devant la Commission.

« Peut-être à un autre policier, ou à une autre policière, dépendant de leur orientation... », a répondu Jean Joly.