Ils sont exposés à des témoignages difficiles et des images parfois sordides, ont l'immense responsabilité de décider du sort d'un être humain et doivent souvent vivre en isolement pendant les délibérations. Jusqu'à 50 % des jurés ressortent de leur expérience avec des symptômes de stress post-traumatique, révèle une revue de littérature qui sera dévoilée cette semaine au congrès de l'ACFAS. Aperçu d'un problème sous-estimé.

SYMPTÔMES FRÉQUENTS

C'est en compilant les résultats de 18 études provenant des États-Unis, du Canada, de la Nouvelle-Zélande et de l'Angleterre qu'un groupe de chercheurs québécois a montré à quel point les jurés paient souvent de leur santé le service qu'ils rendent à la société. Environ 50 % d'entre eux affichent des symptômes de stress post-traumatique pendant et après un procès criminel.

« Ça ne veut pas dire qu'ils entrent tous dans la définition d'un diagnostic de trouble de stress post-traumatique, mais ils en ont des symptômes cliniques assez importants », précise Marie-Ève Leclerc, une étudiante à la maîtrise qui travaille au Laboratoire de recherche sur les psychotraumatismes de l'Institut Douglas, de McGill, dirigé par le professeur Alain Brunet.

ÉVITEMENT ET DÉPRESSION

Des images ou des souvenirs qui reviennent hanter les jurés. De l'insomnie, de l'irritabilité et de l'hypervigilance. De l'anxiété, des dépressions, des gens qui se coupent de leurs souvenirs par évitement, pour essayer de ne pas souffrir. Les symptômes répertoriés chez les jurés sont nombreux. S'ils finiront par s'estomper chez la majorité des gens, une minorité d'entre eux (entre 1 et 11 %, selon les études) souffrait encore des symptômes plusieurs mois après le procès.

« Ces symptômes peuvent avoir un impact sur le sentiment de sécurité. Les gens ont l'impression que le monde n'est plus aussi sécuritaire qu'ils l'imaginaient avant », explique Mme Leclerc.

JURÉS MAL PRÉPARÉS

Selon Marie-Ève Leclerc, les impacts psychologiques des procès sur les jurés sont encore sous-étudiés. La situation est ironique, compte tenu du fait que la communauté scientifique reconnaît aujourd'hui que les professionnels de la santé qui aident les victimes de trauma sont eux-mêmes susceptibles d'en développer certains symptômes.

« On fait beaucoup de prévention avec les psychologues et les intervenants qui travaillent avec le trauma, mais les membres d'un jury n'ont souvent aucune préparation. C'est problématique, car ces gens ne sont pas des professionnels. Il s'agit de gens ordinaires qui ne sont pas préparés à entendre des témoignages et à voir du contenu traumatique », dit l'étudiante.

ISOLEMENT ET CULPABILITÉ

En plus d'être exposés à des histoires de crimes violents, à des témoignages difficiles et à des éléments de preuve souvent très explicites, les jurés sont confrontés à plusieurs facteurs de stress. Le premier est que cette fonction est obligatoire et souvent imposée contre le gré de l'individu. La longueur des procès, le fait de devoir délibérer avec des inconnus de questions complexes et l'isolement imposé aux jurés ajoutent à la problématique.

« En parler à l'extérieur atténuerait la pression, mais ils ne peuvent pas. Ils sont toujours dans le dossier à fond », souligne Mme Leclerc. C'est sans compter l'immense responsabilité d'avoir le sort de l'accusé entre les mains.

« Les gens ont des inquiétudes à savoir s'ils prennent la bonne décision, ce que leur famille et leurs amis vont penser, comment les familles des gens impliqués en cour vont réagir », énumère Mme Leclerc, qui souligne le besoin de mieux documenter la détresse des jurés afin de mieux la prévenir.