L'ex-présidente de conseil de discipline Diane Larose frustrait depuis des années les ordres professionnels par son incapacité chronique à rendre jugement dans un délai raisonnable, accumulant parfois jusqu'à six ans de retard pour des causes simples. L'avocate retardataire a finalement été dessaisie de tous ses dossiers cette année, a appris La Presse. Un coup de massue asséné par une nouvelle instance créée par Québec pour réduire les délais.

Plus tôt ce mois-ci, le conseil de discipline a finalement imposé une radiation d'un an à une infirmière auxiliaire de Québec qui avait volé de la morphine et des analgésiques à son employeur. Karine Paradis avait pourtant plaidé coupable en 2011 et s'était même entendue pour une sanction commune d'un an. Or, la présidente Diane Larose n'a jamais rendu jugement.

Près de cinq ans plus tard, en février 2016, la présidente en chef du nouveau Bureau des présidents des conseils de discipline, Me Marie-Josée Corriveau, en a eu assez et a dessaisi Me Larose de ce dossier. Un nouveau président du conseil a été nommé. Dans sa décision du 2 septembre, il juge d'ailleurs « inacceptable » ce délai de cinq ans.

Les exemples de délais interminables générés par Diane Larose - qui n'avait entendu aucune nouvelle cause depuis 2012 - sont nombreux. En février dernier, elle a imposé une sanction à un travailleur social six ans après l'avoir reconnu coupable. Dans une décision rendue en décembre 2015, une infirmière auxiliaire a dû patienter plus de trois ans pour être finalement acquittée de deux infractions. Dans certains cas, la radiation imposée a même été réduite de plusieurs mois en raison des délais.

« Délais inacceptables »

Depuis son arrivée en poste, en juillet 2015, Marie-Josée Corriveau a usé de ses nouveaux pouvoirs accordés par le Code des professions pour dessaisir Me Larose de 28 dossiers, tous à l'ultime étape du processus de la sanction disciplinaire. « Quand il y avait des délibérés qui se comptaient en nombre d'années, c'est sûr que ces délais étaient inacceptables dans ma vision d'une saine administration de la justice et de l'intérêt des parties », a tranché la présidente en chef, en entrevue avec La Presse.

Me Corriveau a également imposé des « échéanciers très serrés » à Diane Larose afin qu'elle détermine la culpabilité des professionnels dans 21 autres causes toujours pendantes. Quand le professionnel était reconnu coupable, elle était ensuite dessaisie du dossier pour l'étape de la sanction. « Me Larose a terminé ses fonctions de présidente de conseil de discipline. Elle n'a plus aucun dossier sous sa gouverne, elle n'a plus aucun délibéré depuis avril 2016 », assure Marie-Josée Corriveau.

Jointe par La Presse la semaine dernière, Diane Larose a déclaré que cette affaire était de « l'histoire passée ». 

« Je suis dessaisie, je ne suis plus présidente de conseil de discipline. Je n'ai pas vraiment de commentaires à vous formuler », a indiqué Diane Larose.

Le président de l'Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec, Régis Paradis, se réjouit du départ de Me Larose, la présidente exclusive du conseil de discipline de l'Ordre pendant plusieurs années. En mai 2015, 24 décisions étaient toujours attendues par l'Ordre depuis 2010 ou 2011. « C'est nous qui avions le plus de dossiers avec Me Larose, c'était une situation totalement inacceptable », lance-t-il. Un an plus tard, elle a été dessaisie des 15 dossiers restants. « Je crois que la situation est corrigée. C'était la bonne décision à prendre par l'Office des professions. Disons que dans le passé, c'était difficile », soutient Régis Paradis.

Une réforme majeure

Jusqu'à récemment, il était impossible de dessaisir un président d'un conseil de discipline d'une cause, même s'il dépassait largement les 90 jours évoqués dans le Code des professions pour rendre une décision. La création du Bureau des présidents des conseils de discipline en juillet 2015 par le ministère de la Justice - deux ans après l'adoption du projet de loi - est venue réformer de fond en comble cette institution.

Marie-Josée Corriveau ne s'en cache pas : son « rôle principal » est de gérer « l'enjeu des délais ». « Je pense que le gouvernement et l'Office des professions ont réalisé que les délais pour traiter une plainte et pour rendre des décisions étaient trop longs. Ils ont donc créé ce Bureau pour pallier cette problématique », explique-t-elle.

L'an dernier, Québec a fait table rase chez les présidents de conseil de discipline. Plus question que cette fonction soit un à-côté pour les avocats : « Leur tâche exclusive, c'est président de conseil de discipline. Ça fait une différence », souligne Me Corriveau. Ils étaient 15 auparavant, ils sont maintenant 11, dont seulement 2 rescapés de « l'ancien régime ».

« J'ai même instauré un système de gestion informatique avec des alertes qui font en sorte que je peux suivre de très, très près le nombre de jours de délibérés de chacune des causes de chacun de mes présidents », explique Marie-Josée Corriveau. Ainsi, il est « impossible » que des délais de plusieurs années se reproduisent. « Je peux vous le garantir ! »