Un avocat montréalais traîné devant son conseil de discipline après avoir réclamé des explications à une juge concernant un jugement rendu en anglais dans une cause totalement en français vient de perdre une première manche.
Me Frédéric Allali a échoué à faire rejeter d'emblée la procédure entamée contre lui.
Il plaidait que la plainte à laquelle il faisait face était floue et que le juge en chef de la Cour supérieure avait manqué à son devoir de réserve en commentant le dossier publiquement.
La seule solution, à son avis : l'arrêt des procédures.
Son conseil de discipline lui a donné tort. « La plainte est assez précise », a écrit le conseil de discipline du Barreau du Québec, notamment parce que le syndic a indiqué que sa plainte visait « des commentaires, des remarques, des critiques, pour ne pas dire des jugements de valeur, sinon même des accusations » contenus dans la lettre en cause.
Et les commentaires du magistrat François Rolland au journal Le Devoir « ne sont pas susceptibles de miner l'intégrité du processus judiciaire », a ajouté le conseil.
DÉLAI DE PLUS DE NEUF MOIS
En janvier dernier, Me Allali a écrit une lettre à la juge Karen Kear-Jodoin pour lui demander « si quelque chose de particulier [avait] stimulé » la rédaction d'un jugement en anglais dans le dossier de son client francophone, alors que « l'audition a eu lieu entièrement en français », avec des avocats francophones.
« Nous comprenons mal ce qui a pu faire en sorte qu'un jugement entièrement en anglais puisse être rendu, et que M. Caya [un client unilingue francophone] ne soit pas en mesure de lire un jugement qui scelle une partie importante de ce dossier. »
- Extrait de la lettre de Me Allali à la juge Karen Kear-Jodoin
Me Allali exprime aussi son insatisfaction quant au délai de plus de neuf mois qui s'est écoulé entre l'audience et la publication du jugement.
En plus de la juge Kear-Jodoin, la lettre avait été envoyée à François Rolland, qui occupait alors les fonctions de juge en chef de la Cour supérieure. C'est lui qui a transmis la missive au syndic du Barreau du Québec, précisant que son « ton » et sa « teneur » l'étonnaient. Une dizaine de semaines plus tard, Me Allali était épinglé.
L'affaire a fait grand bruit au printemps dernier, lorsque Le Devoir l'a révélée. Le quotidien a précisé que la juge avait demandé l'approbation des deux parties quant à la rédaction en anglais de sa décision. Me Allali aurait accepté, de crainte de lui déplaire.
Hier, Me Allali s'est dit déçu par la décision. « C'est sûr que si je demandais le rejet de la plainte, c'est parce que je voulais qu'elle soit rejetée », a-t-il affirmé au téléphone, ajoutant du même souffle qu'il acceptait le verdict.
Le Barreau du Québec a refusé de commenter le dossier.