Un juge de la Cour supérieure de l'Ontario a rejeté une poursuite intentée pour empêcher les policiers de se faire passer pour des journalistes.

Un média et deux organisations de journalistes avaient intenté des poursuites en mai, arguant que cette pratique était inconstitutionnelle parce qu'elle nuisait à la liberté de la presse.

Dans sa décision rendue le mois dernier, le juge Benjamin Glistein a affirmé que ces usurpations d'identité n'existaient pratiquement pas.

Philip Tunley, l'avocat de la poursuite, a réagi en disant que le jugement était décevant et qu'il ne tenait pas compte des enjeux principaux liés à la liberté d'expression.

Une pratique peu courante

Il a ajouté que Radio-Canada, le groupe Canadian Journalists for Free Expression et l'Association des journalistes électroniques du Canada étudiaient la possibilité d'interjeter appel du jugement.

L'avocat a déclaré que l'argumentaire du juge Glustein était particulièrement technique et se concentrait sur les cas individuels soulevés au cours des audiences plutôt que de s'intéresser aux enjeux globaux. Le juge a indiqué que ces cas d'usurpation ne constituaient pas une pratique policière courante.

«Il ne s'est pas posé la question sur le fait que les sources penseront qu'il s'agit d'une pratique courante», a déploré Me Tunley au cours d'une entrevue téléphonique.

La poursuite estimait que cette usurpation mettait en péril la sécurité des journalistes - surtout lors d'événements où la situation est tendue, comme une manifestation.

Méfiance possible des sources

Les organismes de presse soutenaient aussi que cette pratique rend plus difficile le travail des reporters, car les sources pourraient devenir plus méfiantes à leur endroit.

La poursuite a notamment cité l'exemple de deux policiers qui ont filmé les manifestants au parc provincial d'Ipperwash en 1995. Quand des gens leur ont demandé de s'identifier, ils ont répondu qu'ils travaillaient pour une organisation fictive, la United Press Associates. La police provinciale de l'Ontario a reconnu la tromperie, des années plus tard, lors de l'enquête publique sur la mort d'un manifestant autochtone abattu par un policier.

Un autre policier, qui surveillait des manifestants autochtones en 2007, avait prétendu être un journaliste.

Malgré ces cas cités devant la cour, le juge a rejeté la poursuite, affirmant que les policiers en civil de la Police provinciale de l'Ontario n'avaient pas l'habitude de se faire passer pour des journalistes lorsqu'on leur demandait de s'identifier.

L'avocat représentant la partie défenderesse - le procureur général de l'Ontario, le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnel et le commissaire de la Police provinciale de l'Ontario - n'a pu être joint.

Un porte-parole du procureur général, Brendan Crawley, a publié une déclaration affirmant que «la Police provinciale de l'Ontario emploie des techniques d'enquête conformément à la Loi et ne transgresse pas la Charte au chapitre de la liberté d'expression».