L'ouverture de l'Établissement de détention Leclerc à Laval, à l'automne dernier, a permis de juguler temporairement la surpopulation carcérale. Mais le syndicat des agents correctionnels craint que les mesures d'austérité du gouvernement ne viennent nuire aux efforts pour venir à bout de ce problème chronique.

« Le taux d'occupation des places disponibles est passé de 108 % en 2013-2014 à 103 % en 2014-2015 avec la mise en service de l'Établissement de détention Leclerc de Laval à l'automne 2014 », souligne Marie-Michelle Lacasse, porte-parole du ministère de la Sécurité publique (MSP)

Les centres de détention de la province débordent régulièrement depuis une vingtaine d'années, selon Alter Justice, groupe d'aide aux personnes judiciarisées. Le problème est toutefois devenu particulièrement criant, ces dernières années, avec le durcissement de la justice criminelle du gouvernement conservateur de Stephen Harper, qui a notamment instauré de nombreuses sentences minimales, en plus d'éliminer des peines pouvant être purgées dans la communauté et de mettre fin au temps de détention provisoire comptant double.

Au cours des 10 dernières années, la « population moyenne quotidienne en institution » (PMQI) s'est d'ailleurs accrue de 31 %, selon le MSP. Selon l'étude des crédits 2015-2016, le nombre de personnes incarcérées en date du 31 mars 2015 était de 5172 pour 5174 places réelles.

« Québec n'a donc pas beaucoup de marge de manoeuvre et devra demeurer vigilant », affirme Mathieu Lavoie, président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec.

Une étude prospective de la population carcérale de 2010-2011 à 2020-2021 réalisée par la Direction de la sécurité des Services correctionnels du Québec avait déjà tiré la sonnette d'alarme, en 2013. Les chercheurs estimaient que le déficit de places en 2020 serait de 875 à 1884.

En réaction à cette analyse, Québec a notamment décidé de louer pendant 10 ans l'Établissement Leclerc à Laval, qui avait été fermé par le gouvernement fédéral en 2013.

Mais certains détenus demeurent à l'étroit. C'est le cas de ceux de la prison de Saint-Jérôme, qui abrite 439 détenus mais compte 387 places. De même, la Maison Tanguay pour femmes compte 24 détenues de plus qu'elle n'est censée en avoir.

EFFETS

Une des conséquences de cette surpopulation est le transfert fréquent de détenus, comme l'a souligné le Protecteur du citoyen dans son plus récent rapport. En plus des transferts, le MSP dit avoir recours à d'autres solutions temporaires comme les matelas déposés sur le sol dans des salles d'attente, des cellules, des gymnases, etc.

Le gouvernement souligne qu'il ouvrira quatre centres de détention (Amos, Roberval, Sept-Îles et Sorel-Tracy). « La construction de ces établissements constitue un investissement total de plus de 500 millions de dollars », souligne Mme Lacasse.

Or l'étude de la Direction de la sécurité avait déjà tenu compte de ces constructions. « Cet ajout ne comblera pas I'augmentation du besoin de places », prévenait le rapport. Il est vrai que le centre Leclerc change la donne, mais ça ne suffira pas, selon M. Lavoie.

M. Lavoie s'inquiète notamment du report d'une formation de neuf semaines d'une cohorte de 24 futurs agents qui devait avoir lieu en mai dernier.

« Les Services correctionnels ont évalué que la cohorte qui était prévue en mai 2015 n'était pas nécessaire au bon fonctionnement de ses opérations dans le réseau correctionnel, explique Mme Lacasse. C'est pourquoi ils ont pris la décision de l'annuler, et ce, dans l'optique d'une saine gestion des finances publiques, étant donné que la formation d'un seul nouvel agent des services correctionnels pendant les neuf semaines du programme représente un investissement d'environ 19 000 $. »

Le Ministère n'a pas répondu à nos questions concernant l'estimation des coûts liés à la gestion de la surpopulation carcérale d'ici 2020.

- Avec Serge Laplante, La Presse