Santé Canada permet à des producteurs en attente de procès de faire pousser de la marijuana même si la Cour le leur interdit.

Santé Canada a renouvelé les permis de production de marijuana à des fins médicales de deux personnes en attente de procès criminel et sous le coup de conditions leur interdisant d'en produire.

C'est la surprise à laquelle ont eu droit des enquêteurs des stupéfiants de la police de Montréal lorsqu'ils ont perquisitionné chez les deux accusés, rue Allard, le 18 avril dernier, a appris La Presse.

Ces deux personnes, un homme et une femme qu'on ne peut identifier en vertu d'un interdit de publication, avaient été arrêtées pour la première fois en février 2014 dans une autre affaire de production de marijuana et de tentative de meurtre.

La plupart des suspects appréhendés dans cette première affaire, que la police croit liés au crime organisé asiatique, avaient également des permis de production de marijuana à des fins médicales délivrés à des sociétés à numéro ou à leurs noms par Santé Canada.

Après cette première rafle, les deux suspects avaient été libérés sous plusieurs conditions, notamment de ne pas posséder ou faire usage de marijuana, et de ne pas posséder d'équipement permettant d'en produire. Mais Santé Canada a renouvelé leurs permis peu après.

«Lorsque les policiers se sont présentés sur la rue Allard le 18 avril, ils ont constaté la présence de plants de marijuana. Ils ont voulu démanteler l'installation et arrêter les deux personnes, mais celles-ci leur ont alors exhibé leur permis de Santé Canada. Les policiers n'en revenaient pas. Un juge de paix n'a pas voulu émettre de mandat. Les policiers n'ont rien pu faire», raconte une source.

Les explications du Ministère

La police de Montréal a demandé des explications à Santé Canada, et celle-ci a répondu 10 jours plus tard, le 28 avril, par courriel.

Selon nos informations, en résumé, Santé Canada affirme que le Règlement sur l'accès à la marijuana à des fins médicales a été abrogé le 31 mars 2014, mais que la Cour fédérale a accordé une injonction intérimaire 10 jours plus tôt permettant à toute personne qui possédait un permis valide le 21 mars 2014 de continuer de produire de la marijuana jusqu'à ce que la Cour rende une décision finale.

Fait à noter, Santé Canada écrit ne plus avoir le pouvoir de révoquer un permis et même d'inspecter les lieux de production de marijuana étant donné que le règlement n'est plus en vigueur.

Les deux accusés sont retournés en cour le 28 avril. Leur cause a été reportée à l'automne prochain, mais devant cette drôle de situation, la procureure de la Couronne, Me Claudine Charest, a demandé à ce que deux des conditions des accusés soient amendées et que les mots, malgré la délivrance d'un permis de Santé Canada, soient ajoutés aux interdictions de posséder ou de faire usage de stupéfiants, et de posséder du matériel de production de marijuana.

«Il y a des contradictions dans les engagements. On interdit à ces gens-là de produire de la marijuana, mais Santé Canada leur a émis un permis valide. Donc j'aimerais m'assurer qu'il n'y a plus de plantation aux adresses indiquées», a expliqué Me Charest.