Après s'être battu pendant cinq ans pour un accès accru à la justice, le fondateur de Juripop, Marc-Antoine Cloutier se tourne vers le droit privé. Celui qui deviendra l'un des plus jeunes associés dans un cabinet montréalais persiste et signe: la justice au Québec appartient «soit aux très riches, soit aux très pauvres». La Presse l'a rencontré.

Problème d'accessibilité

Avec quelques autres jeunes étudiants en droit, Marc-Antoine Cloutier a fondé l'organisme Juripop en 2009. L'objectif était de contribuer à régler le problème «criant» d'accessibilité à la justice québécoise. La clinique offre des services juridiques gratuits ou à faibles coûts aux personnes exclues de l'aide juridique gouvernementale. Le groupe a gagné en visibilité lorsqu'il a défendu des causes médiatisées, notamment lors du conflit étudiant en 2012 et ensuite lors de la tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic. L'organisme emploie maintenant 15 personnes dans deux cliniques de la province. Marc-Antoine Cloutier cède sa place comme directeur général et devient associé chez Deveau. Il mettra sur pied un nouveau bureau à Brossard, tout en restant à titre de bénévole président de l'organisme.

«Corporatisme»

Me Cloutier accuse le Barreau du Québec d'avoir pris une «tangente corporatiste» au cours des deux dernières années. Il reproche au Barreau d'être volontairement inactif en protégeant les acquis de ses membres au détriment de l'accès à la justice pour tous. Selon lui, l'organisme doit se pencher sur le rôle de l'avocat dans la société. Il propose de «modifier» le monopole des juristes. «Il faut donner plus de flexibilité à la profession. Les parajuristes, les étudiants en droit, les retraités devraient avoir plus de responsabilités», croit-il. Pour régler ce problème d'accessibilité, il pense que les avocats devraient aussi faire un peu plus d'activités «pro bono», soit donner de leur temps pour des causes. Là encore, il est d'avis que le Barreau pourrait être plus proactif. «Les avocats devraient être obligés de donner 50 heures bénévolement par année. Cela devrait être obligatoire, comme ce l'est dans plusieurs États américains», dit-il. Le Barreau du Québec n'a pas répondu à nos demandes d'entrevue.

tragédie de lac-Mégantic

En revenant sur les causes qu'il a chapeautées à la direction de l'organisme, l'avocat se dit frustré par le traitement public réservé aux accusés de la tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic. Juripop représente Richard Labrie, directeur des opérations et répartiteur ce soir-là. «Il y a eu ce cirque où on a fait défiler les gens devant le palais de justice. Les gens dans la rue disaient: «Ce n'est pas eux qu'on veut voir, c'est le président en haut.»» Le Directeur des poursuites criminelles et pénales a déjà annoncé qu'il ne retirerait pas les accusations criminelles contre les trois employés de la société ferroviaire Montreal, Maine&Atlantic impliqués. «Ils n'ont plus d'emploi, ils sont extrêmement stressés. Ils doivent vivre avec le poids de tout ça. Mais ce sont des gars extrêmement forts, alors ils s'en sortent.»

Écoles religieuses illégales

Il écorche aussi au passage quelques avocats, qui ont vu d'un mauvais oeil l'intention de Juripop d'intenter un recours collectif au nom d'enfants de la communauté hassidique scolaires dans des écoles religieuses illégales. En novembre dernier, Yohanan Lowen, un juif de 36 ans, a envoyé une mise en demeure au gouvernement du Québec. Défendu par Juripop, M. Lowen réclame plus de 1 million de dollars à Québec en l'accusant de l'avoir abandonné à son sort dans une école illégale où il n'apprenait qu'à prier. «Pour certains, c'est mordre la main qui nous nourrit», dit Marc-Antoine Cloutier.