L'agence fédérale du revenu peut maintenant remettre à la police toute information prouvant un crime sérieux - comme les activités terroristes - sur laquelle elle met la main en examinant les dossiers des contribuables.

L'Agence du revenu du Canada a discrètement obtenu ce nouveau pouvoir, qui ne nécessite pas de mandat, grâce à un amendement inséré dans le plus récent projet de loi omnibus sur le budget déposé par le gouvernement.

Auparavant, les mesures de confidentialité prévues par la loi empêchaient l'agence de prendre l'initiative de remettre de l'information sur de possibles crimes aux forces policières, sauf s'il était question d'un crime lié à la fiscalité.

Les nouvelles provisions s'appliquent à différents crimes spécifiques, notamment l'entrée par effraction, le vol de véhicule, l'incendie criminel, la corruption et l'enlèvement.

L'avocat Glen Jennings croit cependant que la liste de crimes est trop large et change de manière fondamentale la relation entre l'agence et les contribuables.

«D'où vient ce besoin?», s'est demandé l'avocat.

«On ne nous a toujours pas donné d'exemples de moments où ça aurait été nécessaire, donc ça me laisse perplexe.»

Selon le porte-parole de l'Agence, Philippe Brideau, les nouveaux pouvoirs ont été octroyés à tous les employés de l'Agence du revenu de façon intérimaire au moment où la loi a obtenu la sanction royale, en juin.

Le porte-parole a précisé que l'agence n'avait pas encore utilisé cette disposition. Une note préparée pour la ministre du Revenu Kerry-Lynne Findlay indique que l'on s'attend à ce que les nouvelles mesures ne s'appliquent annuellement qu'à quelques cas.

«Les mesures ne s'appliquent qu'à l'information obtenue par des employés de l'Agence du revenu dans le cadre de leurs fonctions», peut-on lire dans la note datée de juin 2014, dont La Presse Canadienne a obtenu copie grâce à la Loi d'accès à l'information. «Cet échange d'information est à sens unique et sera strictement soumis à un ensemble de critères.»

M. Jennings ignore comment les employés de l'agence pourraient trouver de l'information indiquant qu'il y a eu activité criminelle. Il croit cependant que les nouvelles mesures laissent les individus soumis à une vérification fiscale particulièrement vulnérables, surtout compte tenu de la quantité d'information personnelle que contiennent aujourd'hui les ordinateurs et téléphones intelligents.

«Ils viennent et commencent à poser d'autres questions. Ils veulent voir les dossiers bancaires, ils veulent voir des documents financiers sur l'ordinateur, énumère-t-il. Et si c'est à cet endroit qu'ils vont chercher de l'information additionnelle, je crois que les gens devraient s'en préoccuper.»

Selon M. Brideau, l'Agence du revenu analyse les implications que les nouvelles mesures auront sur la vie privée et consultera le commissaire à la vie privée à ce sujet.

M. Jennings croit que les nouvelles mesures pourraient pousser certains individus à ne pas produire de déclaration de revenus s'ils croient que l'agence est non seulement un percepteur d'impôts, mais aussi un enquêteur criminel.