Même si son projet a été qualifié par la police de «plus grande fraude de corruption de l'histoire du Canada», l'ancien président du consortium formé par SNC-Lavalin pour construire le superhôpital anglophone de Montréal exige qu'on lui verse 1,6 million en dédommagement de ses services, maintenant qu'il a été éjecté de son poste.

La poursuite judiciaire initiée par André Dufour, un gestionnaire qui a passé 31 ans à l'emploi de SNC-Lavalin, lève un nouveau pan de voile sur les manoeuvres de la firme pour se refaire une virginité, mais aussi sur les conditions de travail de ses cadres affectés aux partenariats publics-privés (PPP) québécois.

André Dufour dit avoir été reconnu à l'interne comme «un employé exemplaire et dévoué». Il était spécialiste des PPP.

Jusqu'au 8 juillet dernier, il a agi comme président du Groupe immobilier santé McGill (GISM). GISM est le consortium, formé sous la direction de SNC-Lavalin, qui a remporté le contrat de construction et entretien du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) après le versement de 22,5 millions en pots-de-vin, selon l'enquête de l'Unité permanente anticorruption.

Trois anciens dirigeants de SNC-Lavalin font face à des accusations criminelles dans ce dossier. Le sergent-enquêteur de la SQ Jean-Frédérick Gagnon a qualifié l'affaire de «plus grande fraude de corruption de l'histoire du Canada, au prorata de la valeur du contrat», lors de son passage devant la commission Charbonneau.

Grand ménage

André Dufour, lui, n'a jamais été accusé de quoi que ce soit. Il a fourni beaucoup de renseignements à la police et aux enquêteurs de la Commission sur les tractations de sa firme autour du CUSM.

Mais, dans son grand ménage entamé après l'éclatement de plusieurs autres controverses liées à la corruption au Québec, en Libye ou au Bangladesh, SNC-Lavalin ne s'intéresse pas seulement aux cadres qui sont accusés au criminel. La firme a fait beaucoup de changements internes pour obtenir le droit de soumissionner les contrats publics au Québec et pour satisfaire aux exigences de la Banque mondiale, qui l'avait bannie de ses projets en 2013.

André Dufour raconte ainsi dans sa poursuite qu'il a été convoqué le 16 mai dernier à une réunion avec son supérieur et une responsable des ressources humaines. Il dit avoir été informé que SNC-Lavalin mettrait fin à son emploi le 30 septembre et qu'il devrait prendre sa retraite. On lui aurait expliqué que l'affaire avait été discutée avec l'Autorité des marchés financiers et le moniteur de la Banque mondiale.

M. Dufour dit ne jamais avoir accepté de prendre sa retraite. Il a continué à travailler de 10 à 12 heures par jour. Puis, le 8 juillet, la responsable des ressources humaines lui aurait remis une lettre mettant fin à son emploi pour «fautes graves». Il aurait immédiatement été sommé de quitter les lieux.

«La façon d'agir de SNC à l'égard du demandeur est empreinte de mauvaise foi et son congédiement a été fait de manière excessive», écrivent les avocats de M. Dufour dans sa requête.

Salaire, bonis et allocations

L'ex-cadre croit qu'en compensation, son ex-employeur devrait lui verser les sommes suivantes, pour un total d'environ 1,6 million, soit ce qu'il aurait gagné s'il avait conservé son emploi trois ans de plus.

• Trois ans de salaire à 233 000$ par an, ce qu'il gagnait chez SNC-Lavalin.

• Trois ans d'options d'achat d'actions à hauteur de 109 000$ par an, ce à quoi ont droit les cadres de son niveau.

• Trois ans de bonis de performance à hauteur de 115 000$ par an.

• Allocation d'automobile et examens de santé pour une somme de 10 000$ par an.

• Diverses sommes reliées à son régime de retraite et son régime à long terme.

M. Dufour inclut aussi dans son calcul une somme de 50 000$ en dommages moraux et une autre de 14 000$ pour payer les services d'un conseiller en réorientation de carrière.

SNC-Lavalin a préféré ne pas commenter l'affaire. André Dufour n'avait pas rappelé La Presse au moment de mettre sous presse.