Depuis 2011, 82 gardiens des pénitenciers fédéraux ont été suspendus ou congédiés pour diverses infractions, notamment agressions de détenus, possession de drogue ou ivresse au travail, selon des documents obtenus par La Presse grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

Si on inclut les réprimandes et sanctions pécuniaires, le nombre de mesures disciplinaires atteint 251 pour l'année 2013-2014, selon des données publiées cet été par le Toronto Star. Il s'agit d'une hausse importante par rapport aux 47 de 2009-2010.

Parmi les causes des 31 congédiements répertoriés par Service correctionnel Canada, les documents obtenus mentionnent un gardien qui a laissé sortir un détenu illégalement. On remarque aussi quelques cas de possession de drogue dans le but d'en faire le trafic et quelques «relations inappropriées» avec un détenu ou la femme d'un détenu. Certains ont été renvoyés pour des gestes faits en dehors des heures de travail, comme ce gardien ayant commis un meurtre prémédité et un autre arrêté pour masturbation dans un parc public.

Service correctionnel Canada (SCC) a refusé de commenter ces cas, en invoquant la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais rappelle que le processus d'embauche est rigoureux et comprend notamment une évaluation psychiatrique.

De nombreux comportements violents

Au-delà de ces cas, qui ne touchent qu'une poignée des quelque 7000 gardiens des 57 prisons fédérales, un constat plus préoccupant se dégage: la violence est de plus en plus présente dans les prisons. Outre les cas d'agressions ou d'agressions sexuelles, des agents ont perdu leur emploi pour avoir «orchestré» ou «facilité» des agressions ou pour avoir tenté de dissimuler des événements. De nombreuses suspensions ont aussi été imposées pour des comportements agressifs tels que menaces, usage excessif de la force, harcèlement ou agressions.

«Le recours à la force a augmenté significativement ces dernières années en raison de la surpopulation carcérale, explique Jason Godin, vice-président du Syndicat des agents correctionnels du Canada. Il ne fait aucun doute que la violence est beaucoup plus présente dans nos institutions ces dernières années et que ça affecte nos agents.»

Howard Sapers, enquêteur correctionnel du Canada, constate également une hausse de l'utilisation de la force, des voies de fait entre détenus, des placements en isolement et des automutilations dans les prisons fédérales.

Les gardiens commencent ainsi à montrer des signes d'épuisement. Selon M. Godin, le nombre de gardiens souffrant de stress post-traumatique et d'autres problèmes psychologiques est en hausse. «Nous avons aussi un taux élevé de suicide dans notre profession, dit-il. Il y a peu d'études récentes, mais nous le constatons sur le terrain.» Une rare étude sur l'impact des événements graves sur les gardiens de prison en Ontario, publiée par SCC en 1992, révélait déjà que 17 % des gardiens souffraient de stress post-traumatique.

Le syndicat, l'enquêteur correctionnel ainsi que le vérificateur général, Michael Ferguson, ont tous tiré la sonnette d'alarme au sujet de la surpopulation et des conditions de détention, sans résultat.

Même si les effectifs des gardiens de prison ont augmenté de 18 % dans les cinq dernières années, selon SCC, le syndicat croit que ce n'est pas suffisant pour gérer la surpopulation carcérale. La détérioration des conditions de détention compromet la réhabilitation des détenus des prisons, croit M. Godin.

«Les Canadiens ne réalisent pas que la politique tough on crime du gouvernement diminue l'accès aux programmes de réhabilitation et que 80 % des détenus retourneront éventuellement dans la communauté», avertit le représentant syndical.

- Avec William Leclerc