Plusieurs banques devront payer des millions de dollars à des Québécois pour ne pas avoir dévoilé adéquatement les frais de conversion de devises étrangères sur leurs cartes de crédit, en plus d'écoper de dommages punitifs, a décidé la Cour suprême du Canada.

Dans trois décisions unanimes rendues vendredi, le plus haut tribunal du pays a aussi déterminé que les articles sur les frais de crédit de la Loi sur la protection du consommateur (LPC), une mesure législative québécoise, s'appliquent aux banques, même si elles sont régies par une loi fédérale.

Les jugements rendus sont définitivement en faveur des consommateurs.

Ils découlent de trois recours collectifs intentés par des Québécois, qui soutenaient que plusieurs institutions bancaires avaient enfreint la LPC en ne précisant pas les frais de conversion de devises étrangères imputés aux cartes de crédit.

Il s'agit ici des frais imposés aux voyageurs canadiens qui utilisent leur carte de crédit dans des pays étrangers pour y faire des achats. Ces frais s'additionnent au taux de change utilisé pour convertir des euros en dollars canadiens, par exemple.

La LPC exige que tous les «frais de crédit» soient inclus dans le «taux de crédit» et communiqués aux détenteurs de cartes sous la forme d'un pourcentage annuel.

Les banques avaient plaidé que les frais de conversion d'une devise étrangère ne constituent pas des «frais de crédit» au sens de la LPC.

Même si la Cour suprême leur a donné raison sur ce point, cela ne change rien au résultat: les frais de conversion doivent être clairement détaillés pour les consommateurs.

Quant aux arguments des institutions bancaires selon lesquels la LPC ne s'applique pas à elles, la Cour leur a donné tort: il n'y a pas d'incompatibilité entre la LPC et la Loi sur les banques.

Et en ce qui concerne l'octroi de dommages punitifs, le plus haut tribunal canadien note qu'il n'est «pas nécessaire d'établir un comportement antisocial ou répréhensible» pour que des dommages intérêts soient attribués en vertu de la LPC.

Il faut plutôt examiner le comportement global du commerçant pour déterminer s'il a adopté une attitude passive, ignorante ou laxiste à l'égard des droits des consommateurs, note la Cour.

«En l'espèce, les banques ont enfreint la LPC sans explication pendant des années et cette négligence prévaut sur leur décision inexpliquée de mentionner aux consommateurs des frais qui leur étaient auparavant imposés à leur insu», précise la Cour suprême.

La somme totale que les institutions bancaires auront à payer n'est pas encore connue. Dans certains cas, une preuve supplémentaire devra être faite dans une étape ultérieure.

Les banques reconnues comme fautives par la Cour suprême sont la Banque de Montréal, la Banque Nationale, la Citibanque et la Banque TD, qui devront rembourser les frais de conversion et payer des dommages punitifs. Dans le cas d'Amex, elle a été condamnée à rembourser les frais, mais le paiement des dommages punitifs a été ordonné contre elle dans l'un des deux recours où elle était impliquée seulement. Quant à la Fédération des Caisses Desjardins, une ordonnance de remboursement a été émise, mais pas le paiement de dommages punitifs.

Par ailleurs, au sujet de la Banque royale, la CIBC, la Banque Scotia et la Banque Laurentienne, la Cour suprême a tranché qu'elles avaient adéquatement informé leurs clients des frais de conversion et elles sont donc exonérées.

Selon l'Association des banquiers canadiens, intervenue dans la cause en Cour suprême, le jugement, qu'elle qualifie de «très détaillé et complexe», nécessite un examen approfondi afin de pouvoir en déterminer les conséquences exactes sur les consommateurs.

Elle a toutefois souligné, dans une déclaration écrite, que les exigences fédérales de protection des consommateurs contenues dans la Loi sur les banques veillent à ce que les mêmes règles - claires, exhaustives et uniformes - s'appliquent à tous les titulaires de cartes de crédit au Canada.